Peut-être que j'écoute trop de Leonard Cohen ces temps-ci, mais les paroles d'une de ses chansons me sont venues à l'esprit en apprenant que Mark McGwire avait finalement décidé de déballer son sac. «When they said/Repent, Repent/I wonder what they meant», lance Cohen de sa voix profonde sur The Future.

Le repentir. Il aura fallu cinq années à Mark McGwire pour finalement comprendre. Cinq années depuis cette journée fatidique de 2005 où l'ancien recordman des coups de circuit a fait perdre à ses fans ce qu'il leur restait d'illusions en disant au Congrès américain qu'il «n'était pas ici pour parler du passé».

Sa contrition tardive ne lui ouvrira probablement pas les portes du Temple de la renommée - à peine 22,4% des électeurs ont inscrit son nom sur leur bulletin de vote cette année, très loin des 75% requis - mais là n'est pas l'essentiel. En avouant qu'il a utilisé des stéroïdes pendant la majeure partie de sa carrière, McGwire ne fait pas que soulager sa conscience. Il donne aux amateurs de baseball l'occasion de tourner la page sur les mensonges d'une carrière gonflée aux hormones.

McGwire n'avait pas vraiment le choix. S'il n'avait pas admis l'évidence - y a-t-il quelqu'un qui croyait encore qu'il avait cogné 70 circuits en 1998 en buvant du jus de carotte? -, il aurait été soumis au supplice de la question lors de son retour dans le baseball majeur, le mois prochain, à titre d'entraîneur des frappeurs des Cardinals de St. Louis.

En vidant son sac, McGwire imite des joueurs comme Andy Pettitte et Alex Rodriguez, qui sont passés aux aveux, ont répondu aux questions des journalistes et ont ensuite été en mesure de poursuivre leur carrière sans devenir des parias.

C'est une stratégie autrement plus intelligente que celle adoptée par Barry Bonds et Roger Clemens, qui vivent dans le déni le plus total et ont été pratiquement excommuniés par le baseball majeur.

Faute avouée est à demi pardonnée. Le dicton ne vaut sans doute pas pour la famille de Roger Maris, qui a tous les droits d'être en colère: les accolades de McGwire aux proches de l'ancienne vedette des Yankees de New York, le jour de 1998 où il a battu sa marque vieille de 37 ans, sont l'emblème par excellence du cynisme qui a corrompu le baseball à l'ère des stéroïdes.

Mais le grand public est plus tolérant. Très tolérant, même. Il est toujours prêt à donner une deuxième, voire une troisième chance. Tout ce qu'il veut, tout ce qu'il recherche, c'est un signe de regret sincère. Un signe que McGwire, les yeux rougis, a donné lundi en sortant finalement de son mutisme lors de son entrevue avec Bob Costas, sur MLB Network.

Les aveux de McGwire ne lui ouvriront vraisemblablement pas les portes de Cooperstown, pas plus que les regrets tardivement exprimés de Tiger Woods ne lui ramèneront ses lucratifs commanditaires. Mais ils lui permettent d'enfin tirer un trait sur le passé.

Qu'importe si McGwire, contre toute vraisemblance, prétend qu'il aurait pu frapper autant de circuits sans les stéroïdes.

Qu'importe qu'il affirme avoir consommé des produits dopants dans l'espoir de récupérer plus rapidement des nombreuses blessures qui l'ont affligé, en oubliant de se demander si certaines de ces blessures n'ont pas été précisément causées par sa consommation de stéroïdes.

Qu'importe si McGwire, qui a avoué avoir commencé à utiliser des stéroïdes dès 1989, avec les Athletics d'Oakland, a été à l'origine même de l'épidémie de dopage dans le baseball majeur, bien plus qu'un joueur converti sur le tard comme Barry Bonds, par exemple.

Qu'importe. L'essentiel, pour le public, c'est le repentir. Le reste, ce sont des détails pour les chialeux de journalistes.

L'ironie de toute cette affaire, c'est que la course au record des circuits ayant opposé en 1998 Mark McGwire et Sammy Sosa - lui aussi aujourd'hui en exil officieux de son sport - a été l'élément déclencheur de la renaissance du baseball majeur, après la période de profonde désaffection populaire causée par la grève de 1994. On peut le déplorer tant qu'on veut, mais la froide réalité reste inchangée: les joueurs qui ont fait le plus pour pourrir leur sport sont aussi ceux qui ont permis de le sauver.

Douze ans plus tard, et bien après que l'affaire BALCO et le rapport Mitchell eurent achevé de lui faire perdre son innocence, le public ne se lasse pas: l'assistance aux matchs des 30 équipes du baseball majeur en 2009 - 73,4 millions de spectateurs - a été la cinquième de l'histoire. En pleine récession.

On parie combien que Mark McGwire va avoir droit à une ovation lors du match inaugural des Cards?