Alexandre Choko a finalement abdiqué. Le combat d'unification du 4 avril entre les super-légers Kendall Holt et Tim Bradley, annoncé en fanfare le mois dernier, aura lieu sans lui: en querelle avec son partenaire, le Groupe Spectacles Gillett (GEG), le promoteur montréalais s'est retiré de l'organisation du combat.

InterBox assistera GEG à sa place dans l'organisation de la soirée, qui comprendra aussi, comme prévu, un affrontement entre le Mexicain Librado Andrade et l'Ukrainien Vitaly Tsypko. Le vainqueur de ce combat éliminatoire affrontera Lucian Bute pour le championnat du monde des super-moyens de l'IBF, l'automne prochain.

InterBox donnera un coup de main dans la vente de billets, la promotion et la logistique. Le groupe de promotion de Bute s'est aussi assuré que la soirée sera présentée sur le canal Indigo et fournira trois boxeurs pour la sous-carte. Leur identité sera confirmée plus tard cette semaine, mais il s'agirait de Benoit Gaudet, Sébastien Gauthier et Pier-Olivier Côté, qui ont tous boxé lors du dernier gala InterBox, le 13 mars.

Choko s'est désisté dans une lettre envoyée à la Régie des alcools, des courses et des jeux, lundi, à la suite d'une entente confidentielle avec GEG, avec qui il était en dispute depuis que ChoKO Boxing avait fait défaut de payer aux promoteurs de Holt et de Bradley les 250 000$US qu'il leur devait, le 20 février.

Roman feuilleton

Le retrait de Choko marque le dénouement d'un véritable roman feuilleton dont les origines remontent à l'an dernier et dans lequel il est parfois difficile de départager les bons des méchants.

Il semble clair que la direction du Groupe Spectacles Gillett (GEG) et du Centre Bell cherchait à transposer à la boxe le succès du Ultimate Fighting Championship (UFC), qui a attiré plus de 21 000 spectateurs au Centre Bell, en avril 2008.

Pour y arriver, GEG s'est associé à Choko, un promoteur dans la trentaine dont l'expertise se limitait jusque-là à une douzaine de petits galas au Club Soda et à son gymnase du nord de la ville. En octobre, Choko a créé une nouvelle société, ChoKO Boxing, et a entrepris une campagne de démarchage auprès de grands promoteurs internationaux, avec l'aide de l'ancien directeur des sports de combat de la Régie, Mario Latraverse.

Choko est parvenu à ses fins, convainquant Top Rank et Gary Shaw Productions, les promoteurs de Holt et de Bradley, de tenir à Montréal le combat d'unification des ceintures WBC et WBO. Il leur a toutefois promis 250 000$ en site fee, une somme que certains vieux routiers jugent démesurée, compte tenu de l'attrait limité des deux boxeurs auprès des amateurs de boxe montréalais. Mais Choko visait plus grand: il espérait attirer à Montréal un public venu de tout le nord-est de l'Amérique du Nord.

Tout allait bien, jusqu'à ce qu'InterBox ait vent des projets de Choko, autour de Noël. De son propre aveu, le patron d'InterBox, Jean Bédard, un partenaire d'affaires de longue date du Centre Bell, «s'est fâché» en apprenant ce qui se tramait. Résultat: début janvier, le patron de GEG, Jacques Aubé, a annoncé à Choko que sa réservation du Centre Bell pour le 4 avril ne tenait plus.

Ingérence indue de la part d'InterBox? Compétition déloyale envers un compétiteur potentiel? C'est ce que prétend Choko. Bédard soutient toutefois qu'il ne faisait que défendre ses intérêts. Suivez le guide, parce que c'est un peu compliqué. Le groupe allemand Sauerland, auquel appartient Vitaly Tsypko, détenait une option lui permettant de forcer Lucian Bute à aller se battre en Europe contre un de ses poulains. Et InterBox tentait désespérément de se sortir de cette obligation. Comment? En essayant de conclure une entente qui aurait permis à Tsypko d'affronter Bute le 13 mars, à Montréal.

«C'était presque finalisé, dit Bédard, mais subitement, ça ne marchait plus. Peut-être sans le savoir, Choko (qui négociait de son côté pour avoir un combat Tsypko-Andrade) faisait monter les enchères. Je me suis fâché avec le Centre Bell et il y a eu une période où le 4 avril a été remis en cause.»

Pour sauver son gala, Choko s'est engagé dans les négociations entre InterBox et Sauerland, un fait que les deux groupes m'ont confirmé en entrevue. «Il a aidé à faire débloquer les choses», reconnaît Jean Bédard. Et comme par hasard, la date du 4 avril est soudainement redevenue disponible...

Quelques semaines plus tard, le 18 février, le gala a été officiellement annoncé. Mais les problèmes de Choko ne faisaient que commencer. Top Rank et Gary Shaw n'ont pas été payés quand ils le devaient. Signataire des contrats, Choko était légalement responsable. En entrevue la semaine dernière, il a toutefois soutenu que GEG était le véritable financier de l'affaire, mais avait refusé de payer après avoir constaté que la vente des billets ne décollait pas comme prévu.

Quoi qu'il en soit, Choko a été mis à l'écart pendant que GEG négociait une nouvelle entente avec les promoteurs américains. Le dénouement était dès lors annoncé - ne restait au fond qu'à déterminer quel genre de compensation recevrait Choko (ni lui ni GEG n'ont voulu commenter cet aspect du dossier).

Évidemment, rien de tout ça ne se serait produit si GEG et Choko, dans un élan d'enthousiasme inconsidéré, n'avaient pas grandement surestimé la capacité d'attraction de leur gala. Et surtout, si les deux parties avaient eu le bon sens élémentaire de signer un contrat définissant leurs obligations respectives.

Dur apprentissage: Choko a probablement ruiné sa réputation dans la boxe, tandis que le Groupe Gillett, qui a revu à la baisse les folles prédictions de 21 000 spectateurs, devra assurément absorber une perte substantielle.

Le pire dans tout ça, c'est qu'on devrait avoir une sacrée soirée de boxe le 4 avril. Et ça, il faut quand même le reconnaître, ça ne serait pas arrivé sans Alexandre Choko.