« Vous travaillez pour un journal 100 % francophone. Pourquoi nous parlez-vous d'émissions de télévision en anglais que la majorité de vos lecteurs unilingues ne peuvent pas regarder ? C'est vraiment fâchant ! »

Dès que je chante les louanges d'une série britannique ou américaine comme The Night Manager (fou !) et London Spy (excellent !), deux types de réactions s'empilent dans la boîte de courriels. La première, supra épidermique, ressemble à celle transcrite dans le paragraphe précédent avec, très souvent, des incitations à postuler pour un emploi au Globe and Mail ou à la Montreal Gazette. Dehors, Dumas, vous êtes un traître à la nation québécoise !

La deuxième emprunte une direction complètement opposée : « Merci de la suggestion, je ne connaissais pas cette série-là, je vais la regarder ce week-end. Continuez de nous faire découvrir des petits bijoux. »

Bref, il existe deux solitudes de téléspectateurs abonnés à cette chronique. Ceux qui vivent dans le monde des traductions franchouillardes de La liste noire, RéelleMENT et Il était une fois. Et les autres, qui valsent entre Pour Sarah à TVA et les derniers épisodes de Game of Thrones sur HBO Canada. Quel groupe est le plus nombreux ? Pas évident à évaluer.

Ce qui m'amène à vous sonder, chers lecteurs : comment dévorez-vous vos téléséries américaines ou étrangères favorites ? En version originale anglaise ou sous-titrée ? Ou attendez-vous la diffusion, en français, sur une antenne d'ici, très souvent avec un délai d'un an par rapport à leur présentation sur les chaînes anglophones ?

Parenthèse : cet énorme décalage entre la commercialisation des copies anglaises et françaises d'émissions canon comme Homeland s'avère un problème dans l'exposition aux divulgâcheurs. Mais il s'agit d'un tout autre dossier.

Donc, revenons à notre souci de langue. Les chiffres de la firme Numeris prouvent que les Québécois visionnent massivement leurs beaux programmes dans la langue de Molière. Voilà pourquoi je couvre abondamment l'industrie d'ici, de La voix aux Pays d'en haut, en passant par Dans l'oeil du dragon et L'amour est dans le pré. Nous fabriquons de la maudite bonne télévision, pas de doute là-dessus.

Par contre, tout ce qui se consomme en ligne (salut, les pirates !), sur Netflix ou par l'intermédiaire de la boutique iTunes échappe complètement aux statistiques officielles. Ce sont ces téléphiles bilingues, volages et en marge du système traditionnel que l'on a tendance à négliger, même si leur nombre augmente de mois en mois.

Confession : je m'abstiens régulièrement de vous jaser, par exemple, de The Catch sur ABC ou de Lady Dynamite de Netflix pour ne pas réveiller la frange allergique à l'anglais, qui a le chialage facile sur les réseaux sociaux.

Je ne devrais pas m'autocensurer de la sorte. Car les bonnes productions comme How to Get Away With Murder ou Scandal finissent, tôt ou tard, par être achetées par des groupes médiatiques québécois. Les deux factions y trouvent leur compte, au final.

Il y a aussi ceux qui collent au plafond à la seconde où ils lisent le mot Netflix dans un article, croyant dur comme fer que ce service n'offre que du contenu « in English only ». Je le répète, toutes les séries originales de Netflix, comme Bloodline, House of Cards, Orange Is the New Black, Unbreakable Kimmy Schmidt ou Daredevil, sont mises en ligne avec les pistes en français et en anglais.

Comme chroniqueur télé, je ne peux pas fermer les yeux et ignorer les téléséries qui brillent chez les Américains, les Britanniques ou les Scandinaves. Les meilleures de ces productions internationales allument des modes, bousculent les formats existants et influencent la confection de notre propre télévision. C'est inspirant, nourrissant et emballant. Vivre avec des oeillères linguistiques, non merci.

Ne parler que de Yamaska et L'auberge du chien noir, ça ne me branche pas du tout. Pas plus que de pondre 45 chroniques sur Quantico et The Walking Dead, qui ne sont pas encore traduites chez nous. Tout est une question de dosage, j'imagine.

Ah oui, pour les curieux qui se posent la question depuis la mi-chronique, je ne suis pas encore certain d'adopter The Catch du réseau ABC, nouvelle création de la superproductrice Shonda Rhimes (Grey's Anatomy). Le jeu du chat et de la souris entre une détective flouée (Mireille Enos de The Killing) et son mari arnaqueur (Peter Krause) manque de rythme et de crédibilité.

Quant à Lady Dynamite de Netflix, c'est la comédie la plus étrange/inventive/bizarre offerte en ce moment, toutes plateformes confondues. Après quatre épisodes, je ne pourrais pas vous résumer l'intrigue ni le concept tellement c'est surréaliste. Et, ce, autant en anglais qu'en français.

Dur mardi pour la SRC

Radio-Canada ne soulève pas les passions avec ces deux nouvelles émissions printanières Je vais à Rio et Remue-ménage. La première a été vue mardi par 184 000 personnes et la deuxième n'a rassemblé que 148 000 adeptes. Des cotes d'écoute désastreuses, n'ayons pas peur des mots.