Ça peut sonner ésotérico-nouvel-âgeux, mais on avait besoin de se rassembler devant nos téléviseurs dimanche soir, comme à l'époque des perrons d'église, pour ventiler collectivement et tenter de comprendre les attentats djihadistes qui ont ensanglanté Paris en ce vendredi 13 funeste.

À la toute dernière minute, Guy A. Lepage, posté hier devant un rideau bleu royal, nous a donc conviés à une sorte de thérapie collective à laquelle a participé un imposant cortège d'invités.

Évidemment, l'ambiance était moins festive ou endiablée qu'à l'accoutumée. L'équipe avait quitté son studio habituel et rebrassé, en quatrième vitesse, sa recette traditionnelle.

Première expérience en direct

Cette mesure était exceptionnelle. Il s'agissait de la toute première fois depuis la mise en orbite de Tout le monde en parle, en septembre 2004, que l'émission était relayée en direct. En temps normal, l'émission se tourne le jeudi soir, subit de longues séances d'élagage, pour nous être livrée en format ultra compact.

Radio-Canada a pris la bonne décision en chamboulant sa grille horaire en catastrophe. C'était nécessaire.

Une émission qui porte le titre de Tout le monde en parle ne pouvait faire abstraction de ce qui s'est passé dans les 48 dernières heures.

À l'autre poste, TVA a maintenu sa programmation habituelle du dimanche, avec Le banquier des animaux et Vol 920 en Nouvelle-Zélande, et c'était bien correct. En temps de grands bouleversements, certains préfèrent se divertir ou se réfugier dans le confort d'une routine rassurante.

Bien sûr, il y a eu des imperfections - problèmes de son, entre autres - pendant cette édition spéciale de Tout le monde en parle, qui a duré un peu plus de deux heures. Mais personne ne s'attendait à un produit impeccable. La production n'a eu que 12 heures pour se retourner et échafauder ce plan B. Alors, soyons indulgents.

La première heure a été consacrée au choc et aux réactions des convives aux attaques meurtrières. En direct de Paris, le comédien Antoine Bertrand avait l'air sonné, sans toutefois avoir perdu son sens de la repartie légendaire. On sentait les invités - surtout les politiciens - très prudents. Trop même. Personne ne voulait dire une connerie et ça peut se comprendre.

Dimanche soir, il n'y avait pas de filet ni de possibilité de reprendre des paroles échappées trop rapidement. Le débat a finalement décollé avec l'arrivée de Gilbert Rozon et du journaliste Michel C. Auger. On a senti la discussion s'ouvrir et devenir plus fluide de façon quasi instantanée. On s'est alors mis à parler des banlieues parisiennes, de l'intégration des immigrants ou de l'amalgame entre musulman et terroriste.

Une des portions les plus intéressantes de l'émission a été fournie par les spécialistes du terrorisme Sami Aoun et Janine Krieber, qui ont tenu des propos clairs, intelligents et pertinents.

Il aurait peut-être fallu les faire entrer plus rapidement sur le plateau pour mieux doser entre l'émotion et l'analyse.

C'est cette profondeur et ce recul que l'on attendait après deux jours collés aux chaînes d'information en continu, qui n'ont pas ce mandat de mise en perspective. La politologue et ex-députée Fatima Houda-Pepin a poursuivi dans cette veine en apportant un point de vue plus tranché, plus émotif. J'ai bien aimé sentir de l'indignation chez elle. Ce qui endeuille la France nous révolte tous.

Honnêtement, la différence entre un Tout le monde en parle en direct et un préenregistré n'était pas si frappante. Peut-être faudra-t-il répéter l'expérience dans un autre contexte? À méditer. Samedi soir sur France 2 et TV5, Laurent Ruquier a aussi livré une version en direct d'On n'est pas couché, moins de 24 heures après les attentats.

Ceux qui croyaient que Guy A. Lepage serait incapable de piloter son émission sans l'aide du montage ont été confondus. Malgré le sujet délicat et difficile, l'animateur a très bien mené sa barque. Et comme l'ambiance n'était pas à la rigolade, le fou du roi Dany Turcotte a pris beaucoup moins de place. C'était la bonne chose à faire. Ce n'était pas le temps de dégainer une petite carte controversée.

Parlant de polémique, le maire de Montréal, Denis Coderre, a semblé lancer une pointe à l'équipe de Bazzo.TV en rappelant qu'il n'était pas souhaitable d'offrir des tribunes à des «agents de radicalisation connus». Pas plus tard que le 22 octobre, Marie-France Bazzo a reçu, en direct, Adil Charkaoui à Télé-Québec.

Dimanche prochain

Le Tout le monde en parle mis en boîte jeudi passera «en tout ou en partie», selon Guy A. Lepage, dimanche prochain. Parmi les convives, le maire Coderre (il est partout, même dans les égouts!), la chanteuse Florence K, Dany Laferrière et Diane Dufresne. Ah oui, Véronique Cloutier y débarque à la toute fin pour annoncer son retour au petit écran la saison prochaine, selon toute vraisemblance. Ça m'étonnerait que l'intervention de Véro disparaisse au montage.