Très inégal que ce 37e gala de l'ADISQ, présenté une 10e fois par le barbu et élégant Louis-José Houde. Pour un moment électrisant comme le trio de filles (Marie-Mai, Fanny Bloom et Ariane Moffatt), on enchaînait avec un autre désolant, comme l'hommage raté à Dominique Michel.

Notre plus grande dame du showbiz méritait tellement mieux que des mots imprimés sur des cartons et lus par Patrice L'Écuyer, Rémy Girard et Yves Jacques. Allô? Pourquoi la production n'a-t-elle pas filmé tous ces hommages émouvants pour les projeter ensuite sur des écrans? C'était complètement désincarné, sans frissons. Aucune mention de Denise Filiatrault dans la longue liste d'épicerie. Pas même dans les remerciements de Dominique Michel. Incompréhensible, tout ça.

Et pourquoi René Simard a-t-il presque chanté - et dansé - toutes les pièces (En veillant su'l perron, J'haïs l'hiver ou Mommy Daddy) associées à Dodo? Cela faisait amateur, limite revue de casino. À effacer de notre disque dur collectif.

Le gala de dimanche a décollé lentement avec un numéro musical convenu et peu original. D'abord, Louis-José Houde a encore démontré ses talents de batteur (on le savait, merci). Ensuite, Jean Leloup, coiffé du chapeau de Zorro, a refait À Paradis City et Voyageur sur une scène couverte de roses. Mettons que ça ne passera à l'histoire comme coup de canon d'envoi, même si on adore John The Wolf.

Heureusement que tout de suite après, le monologue de l'animateur Louis-José Houde a été délicieux et juste assez piquant. Honnêtement, j'aurais retranché une chanson du roi (ponpon) de la soirée pour entendre d'autres blagues de l'humoriste, qui sait être juste assez baveux, sans franchir la ligne de la méchanceté.

Son gag sur Bobby Bazini (perce Bobby, perce!) a visé dans le mille. Tout au long de cette fête de la musique québécoise, Louis-José Houde a été allumé, vif, avec toujours ce petit sourire ironique en coin. Il est le meilleur maître de cérémonie du Québec, toutes disciplines confondues.

Même après 10 galas derrière la mince cravate, on ne l'a jamais senti blasé ou sur le pilote automatique.

Par contre, pas certain de l'emploi des mots «grosse tapette» par le comique le plus populaire du Québec. Ça ne collait pas du tout avec son humour habituellement raffiné et intelligent. La justification de Louis-José? N'envoyez pas de courriels, ça fait 10 ans que j'anime le gala, je fais et je dis ce que je veux. Ah bon. Parler des vêtements à paillettes d'Ariane Moffatt pour finir avec «grosse tapette», ce n'était pas le flash du siècle. Passons.

Ah oui, le procédé des blagues qui commençaient pendant les pauses publicitaires et qui se terminaient systématiquement au retour en ondes a mélangé bien des téléspectateurs, qui m'ont écrit dimanche soir pour se plaindre qu'ils rataient systématiquement le début. C'était ça le gag, chers amis.

Côté performances musicales, Ariane Moffatt, Marie-Mai et Fanny Bloom ont dégagé une énergie du tonnerre en mélangeant leurs trois chansons (Piscine, Miami et Indivisible). Et quelle bête de scène que cette Marie-Mai. Une vraie bombe.

Le numéro de gars, qui réunissait Galaxie, Louis-Jean Cormier et Philippe Brach, a été très réussi, bien punché. Même chose pour les nouveaux duos formés par Marie-Pierre Arthur et Bobby Bazini, de même que celui unissant Patrick Norman à Fred Pellerin: c'était du joli tout ça.

Au risque de me faire lapider par les collègues aux goûts plus pointus, je trouve que ce gala manquait de gros succès populaires que les téléspectateurs auraient pu fredonner dans leur salon. Du genre Les coloriés d'Alex Nevsky. Le visuel aurait pu avoir aussi plus de panache et de flamboyance.

Au micro, Ariane Moffatt, qui a repris la couronne de reine de la pop à son amie Marie-Mai, a été fort éloquente et émouvante. Voir une artiste émue par une récompense, ça vient toujours nous chercher.

Jean Leloup a complété son tour du chapeau de remerciements par une analogie sportive très rigolote. Son premier passage au micro a été cahoteux et lui-même a ensuite promis qu'il s'améliorerait. Chose qu'il a faite.

Très bonne idée que de réunir Klô Pelgag et Messmer pour présenter un Félix. Et que s'est-il passé avec Yoan (mon préféré!), qui s'est enfargé en début de soirée? Mettons ça sur le compte du trac.

C'était également étrange d'entendre toute la salle huer les stations de radio, qui demandent à diminuer leurs quotas de musique francophone. Au Québec, de nombreux lauréats de l'ADISQ ont justement été connus du grand public grâce à des antennes comme Rythme FM et Rouge FM.

Les mélomanes québécois n'ont pas encore tous migré sur Spotify ou Rdio, loin de là, et une majorité d'entre eux s'abreuve encore à ces stations dites commerciales.

Qui gagnera maintenant ce bras de fer? Les artistes, qui veulent survivre au raz de marée anglophone? Ou les stations de radio, qui veulent survivre en gonflant le raz de marée anglophone?