Il s'agit probablement de ma série américaine préférée de l'année. Et je n'exagère pas. C'est meilleur et encore plus original que The Knick, True Detective ou The Affair. Ce bijou s'appelle Fargo et est inspiré de l'univers décalé et décoiffant des frères Joel et Ethan Coen.

Mettons tout de suite les choses au clair: la série Fargo ne raconte pas du tout la même histoire que le film Fargo sorti en 1996. En fait, la minisérie se sert de nouveaux personnages pour raconter une enquête policière rocambolesque dans le même esprit tordu qu'un long métrage des frères Coen, qui ont donné leur bénédiction à cette formidable production de la chaîne FX.

Quelques détails techniques, avant de poursuivre: le coffret DVD de Fargo, de même que sa version électronique sur iTunes, a été commercialisé le 14 octobre, et Super Écran la rediffusera en français à partir du 22 janvier. Voilà pour la poutine.

Maintenant, la télésérie Fargo ne se déroule pas à Fargo, dans le Dakota-du-Nord, mais bien à Bemidji, une petite ville au charme très discret du Minnesota. Nous sommes ici dans une vraie série d'hiver avec des paysages figés dans le froid polaire, des routes extra glissantes et des voitures rongées par le calcium. Ça ressemble énormément au Québec en plein mois de janvier. Les personnages chaussent d'immenses bottes Sorel et portent de gros manteaux informes. Et à Bemidji, au beau milieu de la plaine blanche, le cheveu se porte joliment aplati sous une tuque de laine.

Comme dans le film de 1996, la minisérie Fargo dépeint la vie ordinaire d'un homme plus qu'ordinaire, qui basculera à fond dans le crime. Petit agent d'assurance sans envergure, Lester Nygaard, joué par l'excellent acteur britannique Martin Freeman (The Hobbit, The Office et Sherlock), vit avec une femme qui le déteste et occupe un emploi qui l'emmerde. C'est un perdant sur toute la ligne qui, à 40 ans, subit encore de l'intimidation.

L'existence terne de ce pauvre Lester prendra une couleur rouge sang lorsqu'il croisera, à l'hôpital, un tueur à gages nommé Lorne Malvo, campé par l'extraordinaire Billy Bob Thornton. Cet assassin pigiste adore tourmenter ses proies, mais aussi, pour le simple plaisir, d'innocentes victimes qui ne figurent même pas sur sa liste de gens à éliminer. Le séjour de Lorne Malvo à Bemidji, où il ne se passe jamais rien, se prolongera, et le nombre de cadavres s'empilera dangereusement.

Jamais vous n'arriverez à deviner où Fargo vous transportera tellement c'est imprévisible. C'est à la fois absurde, violent, terriblement noir, avec une touche d'humanité apportée par une policière timide, l'agente Molly Solverson (incarnée par Allison Tolman), qui s'acharnera à tisser des liens entre tous les morts découverts à Bemidji.

Et heureusement qu'elle se décarcasse, la pauvre Molly, parce que ses supérieurs sont a) incompétents, b) stupides, c) nigauds ou d) toutes ses réponses. Avec l'aide d'un policier empoté de Duluth, personnifié par Colin Hanks (le fils de Tom Hanks), Molly attachera quelques fils de l'investigation, qui se complexifie joyeusement d'épisode en épisode. En fait, plus l'intrigue progresse, plus tout le monde s'enfonce. Assez pour qu'on se demande comment tout ça va finir, pour l'amour de Dieu. Croyez-moi, ça se tient.

D'autres personnages excentriques agrémentent le scénario de Fargo, dont le roi des supermarchés du Minnesota, un propriétaire mafieux d'une entreprise de camionnage, ses deux ados violents et deux autres assassins (dont un sourd-muet) aux méthodes de type pêche aux poissons des chenaux. Toute une galerie.

Fargo se déroule en 2006 (vive les téléphones flip), mais les décors bruns du poste de police de Bemidji évoquent plutôt la glorieuse époque de 1992. La télésérie a été tournée en Alberta, principalement dans la campagne encerclant Calgary.

Fargo multiplie les petits clins d'oeil au film original des frères Coen. Pensez à la policière enceinte jusqu'aux yeux (allô, Frances McDormand) ou à la mallette d'argent enterrée dans un banc de neige avec un grattoir rouge. Rien de tout ça n'est cependant nécessaire à la compréhension de l'émission.

Si vous disposez de quelques jours de congé entre Noël et le jour de l'An, n'hésitez pas une seule seconde à visiter Fargo. C'est du gros calibre de télévision. Du calibre extra gros.