Ça paraît que Louis-José Houde polit toujours ses textes comme des pierres précieuses. Avant de livrer ses blagues sur scène, il les teste, les ajuste et les retouche jusqu'à la dernière minute. Ses collègues animateurs de gala devraient fortement s'inspirer de cette rigueur et de cette discipline de fer quand ils concoctent leurs propres remises de prix. Les Jutra, les Gémeaux et les Olivier ne sombreraient ainsi jamais dans l'ennui.

Hier soir, en direct sur les ondes de Radio-Canada, Louis-José Houde a probablement piloté son meilleur gala de l'ADISQ en huit ans. Rien n'a retroussé ou dépassé. Les performances musicales ont été éclatantes, les gagnants ont souri ou pleuré au micro et les prix ont été distribués à des chouchous inspirés comme Louis-Jean Cormier et Marie-Mai. Aucune matière pour râler. Une soirée chargée d'émotion et de folie comme on en voit rarement.

Sacrées révélation de l'année, les soeurs Boulay, hyper touchantes, ont profité de la tribune pour inviter poliment les radios commerciales à programmer plus de musique de qualité. Ce à quoi j'ajouterais: pas seulement très tard le soir, pour respecter des quotas, mais aussi en heure de grande écoute. Si vous ne connaissez pas l'album Le poids des confettis des soeurs Boulay, procurez-vous-le sans hésiter. C'est du joli, ça.

En cherchant vraiment des poux à cette 35e fête de la musique québécoise, je pourrais glisser que l'hommage à Guy Latraverse s'est étiré inutilement. Ce fut à peu près la seule fausse note pendant près de deux heures quarante-cinq. Non, attendez. Les animateurs de radio qui ont plogué leur station et salué leurs auditeurs, c'était inélégant. Voilà!

Dans son numéro d'ouverture réglé au quart de tour, Louis-José Houde a mitraillé des gags d'observation très rigolos sur Paul Sarrazin, les cassettes vierges, Milli Vanilli et les disco-mobiles. Prestation sans faille, comme toujours. Et mention spéciale «griffe d'or» à l'humoriste qui a enfilé un élégant costume croisé. Ça change des complets traditionnels.

Ce gala a démarré très fort en réunissant sur scène énormément de talent au centimètre carré: Daniel Bélanger, les soeurs Boulay, Karim Ouellet, Pierre Lapointe et Louis-Jean Cormier en finale, avec la magnifique chanson Tout le monde en même temps. Le dosage était parfait. Juste assez populaire, pas trop champ gauche.

Grand champion toutes catégories, Louis-Jean Cormier a prouvé qu'il maîtrisait aussi parfaitement l'art du remerciement élégant. À sa copine, il a déclaré: «Tu tiens la planète Terre sur tes épaules, tu la fais spinner avec ton sourire et tes yeux-boussoles.» La foule de la salle Wilfrid-Pelletier a poussé un long «aaahhh» pour la beauté du geste. Le romantique Charles Lafortune vient de trouver son égal. Louis-Jean Cormier a aussi imploré les auditeurs de rester sélectifs dans ce qu'ils mettent dans leurs oreilles. Conseil judicieux.

Un peu à l'image des Grammys, les prestations d'hier ont permis d'audacieux mélanges. Comme la rencontre entre Coeur de pirate et Roch Voisine sur le classique Hélène, que l'on retrouvera sur l'album Duophonique du chanteur qui sort demain. La jeune Béatrice Martin a d'ailleurs terminé son tour de chant les yeux dans l'eau, exactement comme dans les paroles d'Hélène. Beau moment.

Le croisement des univers de Boogat (et sa chanson Unico) et de Marie-Mai (pour C.O.B.R.A.) a été tout aussi réussi. En fin de soirée, les Trois Accords ont été irrésistibles avec leur numéro complètement flyé sur Retour à l'institut avec deux quarts-arrière, des cadets, le Royal 22e Régiment et des amateurs de taï-chi. Du délire contagieux.

À ma grande surprise, Gregory Charles a parlé avec beaucoup d'autodérision de son altercation avec Jean-Michel Dufaux à C'est juste de la TV. «Quand je m'éloigne du script, je dis parfois des niaiseries», a-t-il rappelé sur la scène.

Vous l'avez sans doute noté, mais la fin de parcours de ce gala a été colorée par les tonitruantes téléréalités de TVA. Marc Dupré doit beaucoup à l'émission La voix, qui l'a catapulté au rang des supervedettes de la chanson québécoise. Son accrocheuse pièce Nous sommes les mêmes, qui a battu C.O.B.R.A. de Marie-Mai et L'amour de Karim Ouellet, a tellement tourné dans la dernière année que ça a donné le tournis à toute la province. Son prix d'interprète de l'année, choisi par le public, n'est pas non plus étranger à son impressionnante exposition médiatique des derniers mois.

Sortie de Star Académie il y a 10 ans, Marie-Mai (elle aussi coach à La voix l'hiver dernier) aurait sans doute triomphé sans la poussée de la téléréalité de TVA. Elle a de la graine de vedette cette Marie-Mai. Quelle bombe d'énergie.

Pour clore le chapitre La voix, l'embauche récente de Louis-Jean Cormier à titre de coach, qui a généré une controverse ayant mis l'auteur-compositeur-interprète sur la carte, aura au moins permis hier à des milliers de téléspectateurs de ne pas poser la question qui tue: c'est qui lui? C'est un artiste qui déborde de talent, vraiment.