On peut reprocher bien des choses à Pierre Karl Péladeau, mais certainement pas d'être ennuyeux et de parler la langue de bois. Hier midi, devant un parterre de producteurs influents, le président et chef de la direction de Quebecor a tiré sur tout ce qui bouge: le futur géant «ontarien» Bell-Astral, les fonctionnaires bêtement payés pour chronométrer des émissions, les règles étouffantes du CRTC et la médiocrité de la performance économique de notre télé à l'étranger.

En résumé, le Québec «se pète les bretelles quand il vend une dramatique à la septième chaîne de l'Ouzbékistan ou quand il organise Mongol TV», a raillé Pierre Karl Péladeau lors d'un discours devant le congrès de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ). Malheureusement, nous sommes plus une nation d'acheteurs que de vendeurs, a-t-il déploré.

Pour le grand patron de Québecor Média, le constat est brutal: l'exportation des productions québécoises à l'étranger est un échec. Si, au moins, nos émissions rayonnaient sur d'autres antennes dans le monde, cela «permettrait de justifier les contributions significatives des contribuables canadiens à notre paysage audiovisuel», a-t-il ajouté.

Quand on rappelle au PDG de Quebecor l'éclat international qu'a connu Un gars, une fille de Guy A. Lepage, il réplique: «On aimerait ça avoir 10 succès par année et non un seul succès aux 10 ans». Bing, bang! merci, bonsoir. On repassera pour les nuances.

C'était la première fois, ce printemps, que M. Péladeau se rendait à Cannes où se déroule le MIP-TV, le plus gros marché télévisuel de la planète. Une expérience «douloureuse», car ce qu'il a vu l'a désolé: le Québec n'y brillait pas fort. Selon lui, le stand de «Radio-Canada était famélique», rien de comparable avec celui de la BBC Worldwide, a-t-il constaté.

Je n'ose même pas imaginer la réaction épidermique de M. Péladeau si, à l'inverse, les installations de la SRC à Cannes avaient été somptueuses. Gaspillage éhonté! aurait-il sans doute tonné. Mais, bon.

En revanche, les TF1, Disney, Endemol, Talpa, Gaumont, Lagardère et Fremantle poursuivent leur domination. «On a tendance à oublier qu'il existe quelque chose au-delà de nos frontières», remarque Pierre Karl Péladeau, qui espère sortir le Québec de son périmètre culturel et géographique délimité par sa langue.

Au sujet d'Astral Media, récemment racheté par Bell, M. Péladeau n'a pas été tendre. «La principale motivation de Bell est de mettre en échec les succès de Québecor Média, des succès développés autour de notre talent», déplore-t-il.

Selon lui, Astral déménagera son siège social à Toronto, où la haute direction de Bell se trouve déjà. «C'est un peu gênant quand le président de Bell vient prononcer un discours à Montréal et qu'il ne parle pas un mot de français», souligne Pierre Karl Péladeau, qui a longuement insisté sur la propriété québécoise de l'entreprise qu'il dirige et sur la «société distincte» qu'est la province de Québec.

Toujours sur Astral et ses propriétés comme Canal D ou Canal Vie, M. Péladeau a décrié: «Une chaîne spécialisée, lorsqu'elle est réglementée et que sa distribution est obligatoire, tu ne peux pas perdre d'argent, c'est impossible. Et c'est le socle sur lequel Astral s'est construit.»

Astral n'a pas souhaité commenter cette sortie publique de Pierre Karl Péladeau. N'ayant pas fini sa tirade, le patron de Québecor Média a dénoncé les règles désuètes et contraignantes du CRTC, un organisme qui dicte même l'heure et le contenu des émissions. «Et aujourd'hui, on gouverne à Ottawa sans la nécessité du soutien des Québécois», remarque l'homme d'affaires.

M. Péladeau a également commenté la rivalité des deux grands fabricants d'appareils électroniques, qui s'immiscent présentement dans l'écosystème télévisuel. D'un côté, il y a Apple, qui fonctionne en vase clos avec iPhone, iTunes et iPad. De l'autre, il y a Google, «qui fera pareil avec Android et l'achat de Motorola».

«Quand on appelle au siège social d'Apple à Cupertino, en Californie, pour avoir des iPhone, ils répondent: «Vidéotron? C'est quoi, ça?»», dit Pierre Karl Péladeau.

Ne ratant jamais une occasion de passer des messages (souvent peu subtils), Pierre Karl Péladeau a conclu son discours avec un «Vive les Nordiques!» bien senti. Le grand vizir de Quebecor n'a pas répondu ensuite aux questions des journalistes, pas même à celles du reporter de sa chaîne Argent, qui couvrait l'événement.

Joël et Élyse, c'est fait

Comme La Presse le rapportait à la mi-mars, Radio-Canada confirmera sous peu qu'elle confiera les rênes de sa nouvelle émission du matin aux animateurs (et amis dans la vraie vie) Joël Legendre et Élyse Marquis. Hier, l'agent qui représente ces deux artistes, Marcel Hubert, a indiqué que les négociations n'étaient pas encore terminées et qu'il n'avait rien d'officiel à annoncer. À suivre, donc.

Autre rumeur qui galope dans la tour du boulevard René-Lévesque: Patrice L'Écuyer hériterait de l'animation d'une émission musicale cet automne, avant de reprendre le collier de Prière de ne pas envoyer de fleurs à l'hiver 2013. L'agent de l'animateur de L'union fait la force, Jean-Claude Lespérance, n'a pas fait de commentaire hier. Le producteur pressenti sur ce projet, Jean-François Boulianne, chez Bubbles Télévision, n'a pas rappelé. Le mystère devrait s'éclaircir sous peu.