Star Académie serait-il devenu un «boys club» ? Pour la quatrième fois en cinq éditions, c'est un homme, Jean-Marc Couture, 21 ans, de Val-D'Amour au Nouveau-Brunswick, qui a été couronné grand champion de la téléréalité phare de TVA.

En fait, Stéphanie Lapointe a été la seule femme à triompher à ce concours de popularité en 2004. Avant d'ouvrir la fameuse enveloppe, René Angélil et Julie Snyder ont laissé poireauter Jean-Marc Couture et Sophie Pelletier beaucoup trop longtemps en se lançant dans un long festival d'autocongratulation. Ce fut le moment le moins palpitant de cette longue soirée. Ça, et la présentation de tous les commanditaires, qui a été interminable.

Quand il a entendu son nom sortir de la bouche de René Angélil, le Jonny Lang acadien a éclaté en sanglots. Avec beaucoup de classe, il a d'abord remercié Sophie, sa cofinaliste. Un geste très élégant. Puis, Jean-Marc, «l'homme de peu de mots», a été porté en vainqueur par ses camarades. C'est la deuxième fois qu'un Acadien se sauve avec le précieux trophée après Wilfred LeBouthillier en 2003.

Dans un spectacle à grand déploiement, les deux premiers de classe de Star Académie, qui n'ont jamais été mis en danger une seule fois pendant toute leur session à Frelighsburg, ont croisé la guitare hier soir dans un festival de voix rauques'n'roll.

Accroché à son instrument fétiche, le rouquin Jean-Marc a livré une version blues de Quand on n'a que l'amour de Jacques Brel aux arrangements très douteux. Cette prestation n'a pas été sa meilleure de l'année, au contraire.

De son côté, la grande Sophie Pelletier, moulée dans une robe noire toute simple, a repris Jusqu'au bout d'Éric Lapointe avec beaucoup de trémolos. Sophie, 25 ans, de Rivière-Ouelle, dans le Bas Saint-Laurent, a été plus efficace et convaincante que Jean-Marc. Mais cela n'a pas été suffisant pour la faire gagner.

Au-delà de leurs voix éraillées, les deux finalistes de 2012 partageaient plusieurs traits de personnalité, dont la timidité et un côté très introverti. Si Jean-Marc est sorti de son cocon en 10 semaines, Sophie a mis plus de temps à s'extérioriser, vivant dans l'ombre des académiciennes déplaçant plus d'air comme Mélissa Bédard, Andréanne Malette ou Andrée-Anne Leclerc.

Au Québec, ce sont souvent des artistes timides et effacés comme Wilfred LeBouthillier, Marie-Élaine Thibert, Stéphanie Lapointe et Maxime Landry qui se rendent le plus loin dans ce type de concours télévisuel.

Les vedettes plus fougueuses, plus exubérantes telles Émily Bégin, Marie-Mai Bouchard, Brigitte Boisjoli ou Andrée-Anne Leclerc ne gagnent jamais Star Académie.

Les jeunes chanteurs ayant confiance en eux et qui dégagent de l'assurance rebutent-ils les voteurs de Star Académie? Le Québec préfère-t-il les «underdogs», ceux que l'on étiquette comme négligés? L'historique des résultats de Star Académie tend à prouver que oui. On aime voir éclore des talents sous nos yeux et assister à leur polissage, étape par étape.

Le chanteur britannique Mika, 28 ans, a infusé une douce folie à cette finale, mettant le feu au parterre avec ses ritournelles vitaminées comme Lollipop, Relax, Take it Easy, Grace Kelly et Happy Ending. La mise en scène colorée et élaborée - il y avait même une voiture décapotable et des batailles d'oreillers sur la scène - mettait parfaitement en valeur le côté festif du répertoire de Mika. Très beau tableau.

Pas évident, non plus, d'accompagner une star comme Mika qui navigue (vocalement) dans un registre très aigu. Ce fut plutôt réussi, dans l'ensemble. Big Girl, avec les mannequins des Toutounes atomiques, a très bien sonné. Il a aussi plu sur la foule pendant Rain et c'était très rafraîchissant de voir Jean-Marc s'amuser pendant Elle me dit.

Pour sa première visite sur le plateau de Julie Snyder, c'est un Daniel Bélanger tout sourire qui a enfilé ses plus grands succès: Dans un spoutnik, Opium, Fous n'importe où, Rêver mieux et Reste. Encore ici, le réalisateur Jean Lamoureux a mis le paquet visuellement en suspendant même des académiciens au plafond.

En deuxième partie, dans un décor quasi victorien, Daniel Bélanger a poursuivi avec Sèche tes pleurs, Dis tout sans rien dire, Les deux printemps et sa nouveauté Je poursuis mon bonheur à la sauce rockabilly.

Le numéro des profs rendant hommage aux meilleurs moments des élèves a été fort rigolo, particulièrement les pièces Alors on danse avec un Gregory Charles déguisé en Stromae et Hello revisité par Julie Snyder et Marc Dupré. René Angélil, qui en arraché en début de soirée, a même enfilé un costume de derviche tourneur pour Le monde est à pleurer. L'autodérision, c'est toujours payant.

Des cinq éditions de Star Académie, celle qui a pris fin hier soir a produit la cuvée la plus forte et la plus talentueuse en dix ans. Rarement a-t-on vu autant de jeunes auteurs-compositeurs-interprètes s'accompagner à la guitare ou au piano. Ils ont bossé très très fort. Mais combien d'entre eux vivront de leur art dans trois ou cinq ans, par contre?

Si j'étais imprésario, outre Sophie et Jean-Marc, Mélissa Bédard, Bryan Audet, Andréanne Malette, Olivier Dion et Andrée-Anne Leclerc figureraient sur ma liste. Et si on se donnait rendez-vous dans dix ans, pour vérifier l'état des prédictions?

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