Est-ce un vrai documentaire racontant l'ascension artificielle d'un graffiteur amateur? Ou est-ce un superbe projet d'art cinématographique bricolé afin de dénoncer la fumisterie dans l'art urbain et sa commercialisation excessive?

Voilà le questionnement qui nous tiraille en sortant de la projection d'Exit Through the Gift Shop, un des films les plus intrigants de 2010. Sans blague. Malheureusement, ce petit bijou ne brille qu'en anglais au cinéma AMC Forum. Allez-y si vous passez dans le coin.

 

Car depuis sa projection à Sundance en janvier dernier, cette oeuvre subversive confond tous les experts. D'abord, qui l'a réalisée? Mystère. Et les images d'archives qui y défilent ont-elles vraiment été tournées ou ont-elles uniquement été fabriquées pour bien servir le propos du film? Jusqu'à présent, le plus grand secret enveloppe ce projet.

Exit Through the Gift Shop braque d'abord son projecteur sur Thierry Guetta, excentrique Français expatrié à Los Angeles, père de famille un peu étrange, proprio d'une friperie dans Melrose Avenue et clone de l'acteur porno Ron Jeremy avec sa barbe hirsute, son borsalino et ses vêtements sales. Guetta, 44 ans, ne nourrit qu'une seule passion: il filme tout avec sa caméra vidéo. Absolument tout, tout, tout.

Lors d'un voyage en France, Thierry Guetta renoue avec un cousin, artiste de la rue connu sous le pseudonyme de Space Invader. C'est le déclic et Guetta, qui parle un anglais cassé et hachuré, se laisse aspirer par ce monde peuplé de graffitis, d'aérosol et de décalques format géant. Son petit appareil roule sans arrêt.

De retour à Los Angeles, Guetta s'immerge dans cet univers secret et tisse des liens avec Shepard Fairey, le créateur de la célèbre affiche Hope d'Obama, qu'il filme à toute heure de la nuit alors que l'artiste de 40 ans applique ses jolies créations sur des murs vierges de la ville.

Inépuisable, Guetta accumule des piles de cassettes dans le but d'en extraire un documentaire sur cette forme d'art underground, mais n'a toujours pas réalisé son plus grand rêve: rencontrer le célèbre Banksy, l'artiste de rue le plus connu mondialement, mais aussi le plus reclus. Jamais Banksy, Britannique de 36 ans, n'a montré son visage à une caméra, même si les occasions ont pullulé. Car Banksy a souvent attiré l'attention des médias de la planète en accrochant illégalement ses propres tableaux dans les plus grands musées du monde, dont le Tate et le MoMA. Sa signature la plus connue? Un gros rat dessiné au pochoir.

C'est ici que le (pseudo?) documentaire prend une tournure aussi inattendue que surprenante. Banksy intègre Thierry Guetta dans son cercle londonien et se laisse même filmer, toujours en cachant sa tête, évidemment. En échange, Banksy exige de voir le fameux documentaire que concocte Guetta depuis dix ans. Le film s'avère pourri. Une vraie merde. Banksy récupère toutes les cassettes de Guetta pour reprendre le montage et lui suggère (à la blague, on ne sait pas trop) de devenir lui aussi un acteur du pop art.

La transformation improbable de Guetta en artiste urbain - il se fait désormais appeler Mr Brainwash - devient le sujet de la deuxième partie d'Exit Through the Gift Shop. Le hic? Thierry Guetta, ou Mr Brainwash, choisissez, n'a aucune once de talent et ne fait que copier des oeuvres iconiques d'Andy Warhol ou de Keith Haring, auxquelles il n'ajoute qu'une touche d'aérosol ou un splash de peinture à la Jackson Pollock. Bref, ça frôle le plagiat.

Roi de l'autopromotion, Guetta monte sa première expo en juin 2008 et son redoutable sens du marketing le conduit jusqu'à la page frontispice de l'hebdo culturel branché LA Weekly. C'est la consécration pour Mr Brainwash, un artiste inconnu. La presse spécialisée, les collectionneurs et les fans se prosternent devant lui. Au vernissage, il se vend pour un million de dollars de toiles signées Mr Brainwash. Et à l'extérieur de la galerie d'art, on frôle l'émeute. Maximum d'attention pour un minimum de génie.

Même Madonna se laisse berner - quoique ça reste à prouver - et demande à Mr Brainwash de dessiner la pochette de sa compilation Celebration, sortie en septembre 2009. Encore ici, c'est un duplicata d'une image forte conçue par Warhol.

Alors, qui est vraiment ce Mr Brainwash? Une création vivante, une oeuvre de performance humaine signée Banksy, avec la complicité de Shepard Fairey, pour illustrer la surexploitation commerciale de l'art urbain? Sûrement. Nul ne le sait avec certitude.

Mais c'est l'hypothèse la plus plausible: Mr Brainwash a été façonné par Banksy et ce Exit Through the Gift Shop est un gros canular, un immense pied de nez au monde du pop art. Soit. Pour nous, simples cinéphiles, il s'agit d'un sapré bon canular, hyper drôle, finement emballé et un brin retouché à l'aérosol. Bravo.

Je lévite

Avec Help Myself (Nous ne faisons que passer) de Gaëtan Roussel. En solo, le chanteur de Louise Attaque est pas mal plus intéressant que lorsqu'il nous casse les oreilles avec l'insupportable J't'emmène au vent, la chanson-thème de tous les bars d'étudiants au Québec.

Je l'évite

L'abus de CD de Glee. Oui, l'émission de télé est mignonne. Mais sortir autant de disques dérivés en si peu de temps, ça frôle l'abus, la surabondance et le marchandisage abusif. Qu'on se le dise.