Les bruyants invités de Christiane Charette se jetaient des livres par la tête (mourra-t-il ou pas sous les griffes du web?) quand une voix douce et apaisante a résonné dans ma tête: celle d'Émillienne.

La bienveillante Émilienne, qui me remettait en cachette les derniers bouquins de la Courte Échelle aussitôt qu'elle les retirait de leur emballage. Tiens, tu vas beaucoup l'aimer celle-là, me chuchotait-elle pour ne pas ameuter les camarades à la bibliothèque. Celle-là s'appelait Ani Croche. Puis, il y a eu Amour, réglisse et chocolat de Marie Décary, Le caméléon de Chrystine Brouillet et Les catastrophes de Rosalie de Ginette Anfousse, la créatrice des célèbres Jiji et Pichou.

 

L'aimable Émilienne, qui nous commandait les exemplaires manquants de la collection J'aime lire (vive Tom-Tom et Nana) et qui rafistolait les couvertures de tous les bouquins du génial Raymond Plante, usées et malmenées par nos petites mains d'écoliers.

L'affable Émilienne - ma bibliothécaire préférée - adorait les livres. Pendant ces six années passées dans une école primaire semi-alternative de Québec, elle m'a transmis son amour immense et débordant de la littérature. M'a fait découvrir le bonheur de plonger dans un roman de Denis Côté (Les géants de Blizzard) ou de Sylvie Desrosiers (La patte dans le sac). Et m'a encouragé à autant dévorer des Mafalda que des Livres dont vous êtes le héros.

Près de 20 ans plus tard, je ne pourrais plus me passer du plaisir de caresser la couverture d'un livre neuf et de respirer le parfum de son encre fraîche. Quel bonheur de retrouver, des années plus tard, des grains de sable coincés entre les pages d'un polar (Déjà dead, de Kathy Reichs) englouti à l'ombre d'un cocotier ou un billet d'avion glissé à la fin d'un roman bonbon (La consolante d'Anna Gavalda) acheté à toute vitesse avant un départ pour l'Espagne ensoleillée.

Lire des articles de journaux sur le web ou des analyses de grands magazines, ça va. Mais de la fiction, des essais ou des biographies? Non, merci. Je préfère les palper, les écorner, les empiler sur la table de chevet, les fourrer dans un sac de sport, les ressortir au café, dans le métro, chez le médecin ou à bord d'un avion.

J'aime en entamer un (Nikolski, de Nicolas Dickner), le laisser mijoter un peu, en ouvrir un autre (Sans rien ni personne de Marie Laberge), sauter à la fin, revenir au début, le glisser sur les rayons, y revenir. J'adore m'imprégner des mots des autres, zyeuter les jaquettes et fouiller en silence dans les librairies à la recherche du prochain coup de coeur.

Le livre est un objet magnifique et, entre vous et moi, c'est pas mal plus pratique de s'endormir avec une brique de Jonathan Franzen sur le ventre qu'un coûteux et embarrassant MacBook à 1500 tomates. Simple question d'espace.

Le goût de la lecture, comme pour le bon vin, s'acquiert avec le temps. L'avantage des livres sur les cabernets sauvignons? On peut commencer très jeune à les déguster et en savourer les textures.

Malheureusement, la porte d'entrée de ce monde littéraire fabuleux ne se trouve pas dans l'internet. Elle s'appelle plutôt Émilienne. Et vous garde un exemplaire du Dernier des raisins sous le comptoir.

Je lévite

Avec The Wrestler. Au-delà des combats de lutte électrisants rythmés par de la musique de poil des années 80, ce touchant film de Darren Aronofsky oppose deux acteurs splendides, Mickey Rourke et Marisa Tomei, qui combattent le vieillissement, le sentiment d'être dépassé et la solitude. Un K.-O. physique et émotif.

Je l'évite

Les pubs des fromages d'ici. Dieu qu'ils ont l'air exquis et succulents, ces sandwiches gourmands confectionnés en moins de 30 secondes pendant Les Parent. Mais combien d'entre nous avont vraiment dans leur frigo du beurre citronné, de la mayonnaise à la sauge ou du chutney aux canneberges pour se bricoler un gueuleton en toute vitesse?