Jacques Martin ne connaissait pas vraiment Peter DeBoer lorsqu'il lui a offert le job d'entraîneur-chef des Panthers de la Floride en 2008. Son premier dans la LNH.

Après avoir assumé les doubles fonctions de directeur général et d'entraîneur pendant deux saisons, Martin songeait même à son ancien patron avec les Nordiques de Québec et l'Avalanche du Colorado, Marc Crawford, lorsqu'il a amorcé ses recherches.

Des discussions avec des collègues et des amis gravitant dans toutes les sphères du hockey l'ont toutefois incité à s'informer davantage sur ce jeune entraîneur. Joueur au talent mitigé qui n'a jamais atteint la LNH, DeBoer, repêché en 12e ronde par les Maple Leafs de Toronto en 1988, s'illustrait depuis déjà 13 ans dans les rangs juniors en Ontario.

À la barre des Rangers de Kitchener pour la septième saison consécutive, DeBoer venait de remporter le championnat dans la OHL. Un titre que les Chiefs de Spokane, avec une victoire en grande finale, l'ont empêché de couronner d'une Coupe Memorial.

Malgré cette défaite, DeBoer a rapidement convaincu Jacques Martin de lui faire confiance. De lui offrir la même chance que les Blues de St.Louis lui ont offerte en 1987 lorsqu'ils ont fait passer Martin directement des rangs juniors à la Ligue nationale. Martin venait toutefois de soulever la Coupe Memorial en 1986 avec les Platers de Guelph aux dépens de Pat Burns, Luc Robitaille et des Olympiques de Hull.

Cette chance, DeBoer l'a obtenue. Et bien que les Panthers aient raté les séries lors de ses trois saisons derrière le banc et, qu'à l'image de son premier patron, il ne soit pas le plus flamboyant des entraîneurs, DeBoer a su profiter de cette chance pour se faire remarquer. D'où sa présence derrière le banc des Devils.

Stratégies, rajustements, atmosphère

S'il ne fait aucun doute qu'il est bien entouré avec Larry Robinson et Adam Oates comme adjoints, DeBoer impressionne depuis le début des séries.

Il a su garder ses joueurs dans le coup en première ronde alors que son ancien club leur donnait beaucoup d'ennuis. Ses joueurs l'ont récompensé avec deux victoires en prolongation dans les sixième et septième matchs pour éliminer les Panthers.

Même si on ne leur donnait pas beaucoup de chances d'y arriver, les Devils ont ensuite éclipsé les Flyers de Philadelphie en cinq matchs. Vrai que le gardien Ilya Bryzgalov a aidé la cause des Devils. Mais l'efficacité de leur échec avant a sérieusement hypothéqué la défense des Flyers, en plus de contribuer à contenir l'attaque. Sans oublier que DeBoer a dû se défendre sans son as Ilya Kovalchuk lors du deuxième match de cette série.

«C'est, à mes yeux, le tournant de nos séries. Peter a su garder le club regroupé lors de l'absence de Kovalchuk. Je crois que nous avons alors disputé notre meilleur match. Et le plus beau de l'affaire, c'est qu'il a su garder le même niveau de rendement après son retour», a commenté Lou Lamoriello plus tôt cette semaine.

Après l'élimination des Flyers, Martin Brodeur, sans que la question lui soit posée, s'est assuré d'offrir une grande part du crédit de cette victoire aux stratégies élaborées par son entraîneur, aux rajustements rapides et efficaces qu'il apporte et au mélange de confiance et de bonne humeur qu'il sait faire flotter dans le vestiaire.

Contre les Rangers, DeBoer a démontré une face cachée de sa personnalité. Il a pété les plombs lorsque Mike Rupp s'est permis un assaut aux dépens de Brodeur. Non seulement il a invectivé son vis-à-vis John Tortorella lors du match, mais il s'est permis de se moquer de lui à quelques reprises lors de ses points de presse.

Mais bien plus encore, il a su éteindre le flamboyant entraîneur des Blueshirts autant sur la glace que dans les points de presse en affichant sa force tranquille. Une force tranquille qui explique en partie les succès des Devils. Une équipe à son image.

Si la série finale se prolonge jusqu'à la limite des sept matchs, DeBoer pourra célébrer son 44e anniversaire en soulevant la Coupe Stanley.

Chercher un bâton illégal

Pour pousser la série à la limite, il faudra que les Devils gagnent trois fois. Et ils seraient bien mieux de gagner dès ce soir pour éviter d'avoir à combler un recul de 0-2 alors que la série se déplacera à Los Angeles lundi et mercredi.

Est-ce que DeBoer pourrait imiter Jacques Demers qui, lors du deuxième match de la série finale en 1993 contre les Kings, avait fait mesurer le bâton illégal de Marty McSorley pour obtenir une attaque massive en fin de match? Une attaque massive dont Éric Desjardins avait profité pour niveler les chances 2-2 en fin de rencontre avant de compléter son tour du chapeau en prolongation. Cette victoire avait porté le score à 1-1 dans la série. Trois matchs plus tard, le Tricolore soulevait la 24e Coupe Stanley de son histoire.

Si cette stratégie de Jacques Demers a sauvé le Canadien et coulé les Kings en 1993, elle n'a pas souri à DeBoer la seule fois qu'il l'a adoptée.

«Mike Richards était mon capitaine en 2005 à Kitchener. On jouait contre London. Nous avions côtoyé Corey Perry, qui évoluait pour les Knights de London, au Championnat du monde. C'était un peu malhonnête, mais nous savions qu'il utilisait des bâtons illégaux. Il s'est fait prendre en fin de match. Mais au lieu d'en profiter pour niveler les chances, c'est London qui avait marqué en désavantage numérique. En plus, ça prend une lame semblable à un boomerang aujourd'hui pour qu'un bâton soit illégal. Pour ces deux raisons, ne retenez pas votre souffle. Une telle vérification ne sera même pas une option...»