Contrairement à Jacques Martin et aux 29 autres entraîneurs-chefs de la LNH, Terry Gregson n'a eu que cinq jours pour préparer les 40 arbitres et 34 juges de lignes qu'il dirige avant de les envoyer aux quatre coins du Canada et des États-Unis.

C'est court cinq jours quand tu as 25 années d'expérience à transmettre, des nouveaux règlements à expliquer et une philosophie à inculquer. Surtout qu'à l'ère des révisions vidéo et des jugements hautement médiatisés du nouveau préfet de discipline du circuit, Brendan Shanahan, les arbitres sont plus épiés qu'ils ne l'ont jamais été.

En plus de n'avoir que cinq jours pour bien les préparer, Gregson n'a pas le loisir, comme tous les coachs du circuit Bettman, de profiter de contacts directs et quotidiens avec ses «joueurs» pour passer ses messages. Il ne peut donc pas les fouetter dans le cadre d'un entraînement punitif, les confiner au banc ou leur faire sauter un match ou deux s'il n'est pas content de leur travail. Ou leur donner du temps en avantage numérique pour les récompenser.

Comment, dans ces circonstances, obtenir leur plein rendement soir après soir?

«En leur faisant confiance et en s'assurant qu'ils bâtissent et entretiennent leur propre confiance», lance bien calmement Terry Gregson.

Assis dans son bureau qui surplombe le Air Canada Centre à Toronto, Gregson est à deux pas de la nouvelle salle de contrôle où son adjoint Mike Murphy peut suivre tous les matchs disputés en même temps afin de confirmer ou de renverser une décision prise par l'un ou l'autre des officiels à la suite d'un but controversé.

Esclaves de la vidéo

L'importance accordée à la vidéo et aux dangers d'en devenir l'esclave était d'ailleurs au centre du message que Gregson a livré à ses «hommes» au terme de leur camp d'entraînement.

«Je distribue mes conseils et mes remarques par le biais de courriels qui sont appuyés de vidéo. Mais une fois sur la glace, nos officiels doivent faire abstraction de cette nouvelle réalité. Ils travaillent au présent. Ils prennent des décisions et portent des jugements sur ce qu'ils voient, à la vitesse qu'ils le voient. Et ça va vite.

Si une décision est ensuite renversée, si un geste que tu n'as pas vu est ensuite sanctionné, ou qu'inversement tu as pénalisé sévèrement un geste qui n'entraîne finalement pas de mesure disciplinaire supplémentaire, tu dois simplement te demander si tu as pris la bonne décision dans le feu de l'action. Si dans le calme d'un bureau, sur une télé géante, avec l'aide de plusieurs angles différents et d'un super ralenti, Brendan Shanahan décide que tu as eu tort, ça ne doit pas t'affecter», assurait Gregson lors d'un récent entretien avec La Presse.

Tout ça est bien beau. En théorie. Mais en plus de se faire invectiver de tous bords, tous côtés au cours d'un match, un arbitre n'a-t-il pas le besoin de se sentir appuyé au lieu de se sentir épié?

«Ils doivent s'enlever de la tête qu'ils sont épiés. Brendan Shanahan n'est pas là pour surveiller les arbitres. Il s'interpose à un autre niveau de décision. C'est différent. C'est complémentaire.»

Accrochage et coups à la tête

Parce que Sidney Crosby est sur la touche depuis près d'un an, parce que des carrières ont été compromises par des commotions cérébrales, une attention particulière a été apportée aux coups à la tête par le biais du règlement 48. Gregson a bien reçu et surtout compris le message qui découlait de ce nouveau règlement.

«On a apporté une attention particulière au règlement 48 lors du dernier camp. Mais une fois l'information transmise et comprise, j'ai insisté sur le fait qu'il y avait un tas d'autres règlements à ne pas oublier», poursuit Gregson.

Comme celui relié à l'accrochage? Un règlement que les arbitres semblent appliquer avec moins d'intransigeance depuis un an ou deux.

«Je suis d'accord pour dire que le balancier est un peu revenu vers la clémence en matière d'accrochage. Et c'est normal. On recherche l'application la plus juste possible des règles. On vise le parfait équilibre entre le respect du spectacle, des règlements et aussi de la sécurité des joueurs. Peut-être qu'à ce niveau, une certaine tolérance à l'égard de l'accrochage si elle améliore la sécurité des joueurs peut être acceptable. Pourvu qu'elle ne brime pas les actions au but, la vitesse et la qualité du jeu», convient le directeur des arbitres.

C'est là que le jugement entre en ligne de question et que le travail se complique. Car en matière de jugement, les arbitres, bien qu'ils commettent beaucoup moins d'erreurs dans un match que le meilleur des joueurs qu'ils surveillent, n'affichent pas tous le même niveau d'excellence.

«Il y a des vedettes dans une équipe et des joueurs qui le sont moins. Nos arbitres et juges de lignes ne sont pas différents bien qu'on vise qu'ils soient tous des gars de premiers trios. Les saisons sont longues. Difficiles. Les récompenses viennent en séries, avec comme prime maximale, une présence en finale de la Coupe Stanley. Comme les joueurs, on vise la coupe nous aussi», conclut Gregson qui a atteint la grande finale à huit reprise au cours de sa carrière de 1427 matchs dont 158 en séries éliminatoires.