Nous nous sommes payé une vaste thérapie collective avec les audiences de la commission Bouchard-Taylor. Nous nous sommes parlé dans le blanc des yeux, sans interdits ni tabous. Nous nous sommes permis une vaste « conversation », pour utiliser une expression à la mode à Ottawa, qui a débouché sur un rapport, des recommandations et de vifs débats.

Tout ça pour... pour quoi, déjà ?

Le cas de ces deux écoles du nord de Montréal qui ont décrété une journée pédagogique pour accommoder les élèves et enseignants de confession musulmane, dévoilé hier dans La Presse, nous ramène à la case départ.

Il nous ramène très précisément en 2007... alors que l'octroi de congés pour des fêtes religieuses par la CSDM suscitait, déjà, la grogne.

Presque dix ans se sont écoulés, huit depuis le dépôt du rapport de Gérard Bouchard et Charles Taylor, et pourtant, la plus grosse commission scolaire du Québec n'est pas mieux équipée pour répondre à ces demandes délicates.

Résultat : les écoles qui la composent sont laissées à elles-mêmes, obligées de tricoter des solutions particulières à des problèmes qui les dépassent.

En pareil contexte, comment reprocher aux écoles La Dauversière et Évangéline d'avoir décrété une journée pédagogique en début de semaine, pour permettre à ceux qui le souhaitent de célébrer l'Aïd al-Adha, la plus grande fête musulmane ?

Les inconvénients étaient bien plus grands en refusant : nombre élevé d'élèves absents, congés avec solde pour plusieurs enseignants, coûts d'embauche de suppléants...

Une journée perdue, autrement dit... qui aurait coûté plus cher qu'une journée habituelle !

Mieux valait donc accommoder, d'autant que les tribunaux ont déjà puni ceux qui ont refusé de le faire. Le jour du congé, en plus, avait été annoncé dix jours à l'avance et il avait reçu l'assentiment du conseil d'établissement, donc des parents, en mai dernier.

Bref, l'accommodement est raisonnable. Le problème n'est pas là, ce n'est pas le principe, mais bien les modalités de son application, pour reprendre les mots de Gérard Bouchard.

Le problème est en effet dans l'absence de balises, de critères, de formule permettant de répondre aux demandes de manière organisée, réfléchie, équitable.

Malheureusement, les gouvernements successifs ont décidé de garder les bras croisés, de laisser béant le trou législatif dans lequel s'engouffrent les écoles et les commissions scolaires depuis beaucoup trop longtemps.

Oui, le gouvernement Couillard a fait un pas en avant avec son projet de loi 62, mais il semble avoir perdu le document dans les méandres de l'Assemblée nationale. Quelqu'un se souvient de son existence, d'ailleurs ?

Dans pareilles circonstances, chacun y va de sa solution, de sa lecture des textes de loi, de son interprétation des chartes et des jugements.

À la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, par exemple, on a mis fin à l'approche au cas par cas il y a deux ans au profit d'une solution clés en main :  les employés sont libres de s'absenter pour la fête de l'Aïd, du Yom Kippour ou du Vendredi saint s'ils le souhaitent, mais ils doivent piger dans leur banque personnelle d'une demi-douzaine de congés pour maladie et autres motifs.

Simple, uniforme, équitable. Une voie pour toutes les commissions ? La CSDM prétend qu'elle ne peut l'appliquer pour des raisons juridiques. Vrai ou pas, peu importe : cela prouve la nécessité d'une formule québécoise unique, appliquée dans toutes les commissions scolaires, comme le recommandait la commission Bouchard-Taylor.

On peut bien se déchirer la chemise, mais le problème n'est pas l'accommodement consenti en l'absence de critères. C'est l'absence de critères.