Ça doit être ça, devenir « cynique ».

Le maire Coderre a annoncé lundi la fin des sacs de plastique « cheapettes » à Montréal et j'ai réagi... en levant les yeux au ciel.

Encore. Les sacs. De plastique.

On parle encore des sacs de plastique en 2016, j'en reviens pas ! On en parle depuis au moins 25 ans, des sacs de plastique ! Comme si les lieux d'enfouissement n'étaient remplis que de ça, des sacs de plastique !

Oui, c'est un geste louable. Oui, « on est rendu là », comme dit le maire. Oui, c'est bien que Montréal, Brossard et les autres bannissent les sacs à usage unique, surtout les oxo, biomachin, qui n'ont leur place ni dans le bac ni dans la poubelle.

Mon problème n'est donc pas la chasse au sac... mais bien l'obsession de la chasse au sac. Une obsession bien commode, qui permet à la Ville de se donner bonne conscience à peu de frais.

Si elle s'était attaquée à l'autosolo avec la même ferveur, je vous assure que les bus et les métros ne déborderaient pas à en faire fuir les plus fidèles, comme c'est le cas actuellement.

Mais bon, soyons bons joueurs et ne mêlons pas tous les dossiers environnementaux. Concentrons-nous sur les déchets, puisque c'est le sujet à l'ordre du jour.

La Ville dit faire un « geste fort » en s'attaquant à « la prolifération » des sacs d'emplettes en plastique léger parce qu'« ils ont des impacts importants au niveau de l'enfouissement ».

Ah bon. Voulez-vous que je vous dise ce qui a vraiment « des impacts importants » sur les lieux d'enfouissement ? Ce ne sont certainement pas les sacs de plastique légers, inertes, dont on a réduit le nombre de moitié ces dernières années.

Le véritable fléau en termes de matières résiduelles, c'est celui qu'on vide tous les jours dans la poubelle à la maison. C'est la pelure de banane, l'os de poulet, les restes du souper qui constituent près de 60 % des déchets domestiques.

On en génère des tonnes chaque année, de déchets organiques. Et on enfouit presque tout, récupérant moins du quart de ce qu'on jette.

Or, oubliez l'image du coeur de pomme inoffensif qui disparaît dans la nature. Les matières organiques constituent la principale cause de contamination des dépotoirs, des eaux de surface et des eaux souterraines. Et parce qu'elles se décomposent en absence d'oxygène, elles fermentent et produisent pas moins de 6 % des gaz à effet de serre du Québec.

Et pourtant, vous avez vu les administrations successives s'y attaquer avec la même vigueur qu'aux sacs, vous ? Pas moi.

OK, je vous le concède, on avance petit à petit à petit avec la construction des centres de compostage dans l'île. Mais il suffit de prendre un peu de recul pour avoir l'impression qu'on fait du surplace. À preuve, les premières usines étaient censées ouvrir cette année : on ne les prévoit plus avant 2019. Si on est chanceux.

Vous me trouvez dur pour une annonce somme toute positive ? C'est peut-être ce qui arrive à un journaliste qui couvre un dossier longtemps : il revoit constamment la même annonce... sans jamais voir le fruit de cette annonce. Et il se demande alors, avec une pensée pour Le jour de la marmotte, combien de fois on peut applaudir une même annonce...

Je suis retourné dans les archives, pour le fun, pour voir tout le chemin (non) parcouru. Il y a 10 ans, déjà, j'écrivais que le bac brun était presque à nos portes. La politique québécoise de réduction des matières résiduelles « obligeait » alors l'ensemble des municipalités de la province à implanter une collecte des résidus alimentaires avant la fin de... 2008 !

On est en 2016 ! Et on peut compter le nombre de bacs bruns à Montréal sur les doigts d'une main. Ce qui ne nous empêche pas de parler encore et encore de la réduction des sacs.

La seule chose qu'on recycle, finalement, ce sont les objectifs de recyclage ! Des objectifs qu'on pellette constamment en avant depuis la « politique de gestion intégrée des déchets solides » adoptée par Bourassa en 1989 !

Donc, oui, un côté de moi se réjouit qu'on « avance » avec cette interdiction des sacs de plastique à compter de 2018. Mais en prenant bien soin de faire des signes de guillemets avec mes doigts. Comme tout bon blasé.