Pas besoin d'une étude de KPMG pour nous l'apprendre. Le centre des affaires de Montréal vit au rythme du Centre Bell. C'est lui qui dicte les mouvements de foule tout autour. Lui qui décide des flots de circulation. Lui qui commande l'achalandage des restos 500 mètres à la ronde.

C'est tellement vrai que si vous vous promenez le soir au centre-ville, pour peu que vous prêtiez attention, vous pouvez deviner s'il y a match. Comme on pouvait deviner qu'il y avait messe, à une autre époque.

Pas compliqué, le temple de la sainte Flanelle joue le rôle de lieu de culte, dans la ville. Il rassemble les fidèles avant la communion. Il permet la transmission de traditions. Il contribue à l'intégration sociale.

Rien de plus normal, donc, à ce qu'on permette à cette « église » de jouer son rôle dans la cité. Comme souhaite le faire Geoff Molson.

C'est en quelque sorte ce que le propriétaire du Canadien a annoncé mercredi : son intention de sortir le Centre Bell de sa boîte. De lui permettre de déborder sur la place publique. De profiter de l'érection de toutes ces tours derrière lesquelles il est en train de disparaître pour lui donner plus de place dans la ville.

Pas comme un bâtiment public, ce qu'il n'est absolument pas, mais comme un bâtiment privé à l'importance collective.

***

En gros, ce que souhaite faire le Canadien avec les 100 millions qu'il se dit prêt à investir (de l'argent 100 % privé, soulignons-le) se résume en quatre éléments : trois très prometteurs, et un plutôt... douteux.

Le coeur du projet, c'est la piétonnisation de l'avenue des Canadiens-de-Montréal entre les rues de la Montagne et Drummond ainsi qu'entre les rues Stanley et Peel. Une idée qui fera tout de suite plaisir aux partisans qui s'entassent devant l'entrée du Centre Bell avant chaque match.

On veut enfin donner de la place aux piétons, qui sont nombreux autour du bâtiment 200 jours par année. On veut faire respirer le bâtiment. On veut créer une sorte de parvis d'église, en fait.

La nouvelle Place des Canadiens joue un peu ce rôle, du côté de la gare Windsor. Mais pour qu'un parvis soit un véritable lieu de rencontre, pour qu'il rameute les fidèles, il doit se retrouver devant le bâtiment. Là où les apôtres de « Jesus Price » se rassemblent spontanément avant et après les matchs.

Le deuxième élément est lié au premier : c'est l'installation d'une immense marquise translucide tout le long de l'avenue des Canadiens-de-Montréal. Façon de faire déborder le bâtiment sur la voie publique et de créer une promenade urbaine confortable à l'année.

Troisième idée : faire de la rue Drummond... autre chose qu'un parking à ciel ouvert. Voilà une portion de rue insignifiante qu'on pourrait facilement transformer en allée prestigieuse, voire protocolaire. Comme veut le faire le CH en alignant l'entrée principale de l'amphithéâtre dans l'axe Drummond et en plantant des « arbres à grand déploiement ».

Bref, on aimerait ouvrir le Centre Bell vers la ville, et la ville vers le Centre Bell.

***

Mais bon, ce n'est pas parce qu'on a une ferveur religieuse à l'endroit du Canadien qu'il faut s'agenouiller devant toutes ses volontés...

J'aime que l'on tire profit de la situation centrale de notre « basilique sportive ». J'aime l'idée d'intégrer harmonieusement le Centre Bell à la cité, comme l'a fait Chicago avec son Wrigley Field. J'aime que la rivalité avec Québec pousse le CH à améliorer son offre au moment où le bâtiment atteint ses 20 ans.

Mais j'aime moins l'idée de faire du centre Bell un arbre de Noël qui clignote à l'année...

Geoff Molson n'en a pas parlé comme tel, mercredi, son projet étant « embryonnaire ». Mais si on se fie aux documents déposés à la Ville au fil du temps, on comprend que le Canadien a l'intention de multiplier les panneaux d'affichage lumineux autour du Centre Bell. Comme s'il se trouvait en plein Times Square.

Au total, l'ensemble des enseignes aurait une superficie de plus de 1500 m2. C'est l'équivalent d'une bonne cinquantaine de panneaux lumineux classiques !

On veut en mettre des petits et des gros. On veut en poser en hauteur et à quelques mètres de la rue. On veut en installer sur la façade nord. La façade sud. La façade est. Et même la façade ouest afin que les automobilistes qui pénètrent dans le tunnel de l'autoroute Ville-Marie puissent les voir de loin !

Hideux ! Mais surtout, illégal...

Le plan d'urbanisme de la Ville interdit les panneaux publicitaires dans les secteurs habités, comme ceux qui bordent le Centre Bell. Sinon, ouvrons tout de suite une ligne de plaintes pour les acheteurs de la tour L'Avenue, située juste en face du Centre Bell...

Qu'on redonne de la visibilité au Centre Bell, oui ! Mais pas besoin de bébelles.