Mercredi dernier. Terrasse de la rue Bernard. Heure du retour à la maison. Fait beau. Les passants sont nombreux, les voitures et les vélos aussi.

Puis « paf ! » Ou plutôt « tump ! » Un bruit sourd mais fort. Suivi d'un son métallique et d'un second bruit lourd et sourd.

À quelques mètres à peine, un jeune cycliste vient de percuter la portière d'un VUS avant de s'effondrer sur le bitume. Il se relève péniblement. Grimace. Met sa main sur sa clavicule. Grimace de plus belle.

Le propriétaire du gros véhicule blanc s'approche, lentement, tout en gardant une certaine distance. Il ne touche pas au cycliste, lui parle à peine, laisse les passants l'aider. Il le regarde avec une certaine empathie, oui, mais curieusement, il ne semble pas vraiment concerné. Comme si ce n'était pas lui qui avait ouvert la portière sans regarder dans son rétroviseur. Comme s'il se trouvait par hasard à côté d'un cycliste qui avait foncé dans un poteau.

Comme si, en fait, cet accident était la faute du cycliste, qui n'avait pas d'affaire là...

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Le grand mérite de la position dévoilée hier par Montréal, il est là. La Ville rappelle que les cyclistes ont autant leur place dans les rues que les automobilistes. Et elle demande que le Code de la sécurité routière soit modernisé pour refléter ce simple état de fait.

Ce n'est toujours pas le cas en 2015 ? Eh bien non. Le Code de la « sécurité routière » est encore aujourd'hui le Code de la « sécurité routière des automobilistes ». Fait par et pour ces derniers.

Un exemple : le stop obligatoire. Selon la loi, les cyclistes doivent s'« immobiliser » devant chaque panneau d'arrêt qu'ils croisent. Ils sont même censés mettre le pied à terre ! À chaque panneau d'arrêt !

Embarquez sur un vélo et traversez un quartier résidentiel, pour voir, en arrêtant à toutes les intersections. Vous verrez que ce n'est pas pour le bien des cyclistes qu'on leur impose une telle chose...

Autre incongruité : l'obligation faite aux cyclistes de rouler en tout temps à l'extrême droite de la chaussée. Il n'y a qu'à voir l'état de l'asphalte et des grilles d'égout pour comprendre qu'on ne protège pas les cyclistes, mais bien les automobilistes... dont on tient les vélos à bonne distance.

Même chose avec ce qu'on appelle l'« emportiérage ». Certainement ma plus grande crainte à vélo. Or bien qu'il y ait eu au moins 164 accidents de la sorte l'an dernier, les fautifs s'en sortent, dans les rares cas où ils sont punis, avec une amende de... 30 $ !

Le problème du Code, c'est qu'il est périmé, désuet, « passé date ». Et surtout, qu'il ne protège pas les cyclistes.

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La bonne nouvelle, c'est que Vélo Québec a l'oreille du maire Coderre, qui lui-même a l'oreille du ministre Poëti.

Les astres sont donc alignés pour que le processus de révision du Code de la sécurité routière, lancé par Québec, permette de changer la situation. Et pour le mieux, si on se fie aux 25 recommandations formulées hier par la Ville.

Certaines positions vont de soi. Le refus du port obligatoire du casque, par exemple, qui signerait l'arrêt de mort du BIXI. Ou la permission donnée aux cyclistes de rouler entre deux rangées d'autos, pour éviter d'être mis en danger par les virages à droite.

Certaines sont nécessaires. L'utilisation des feux piétons par les cyclistes, afin de légaliser une pratique courante qui porte à confusion. Ou l'exclusion des scooters électriques du réseau cyclable, qui par leur grosseur et leur vitesse représentent souvent un danger.

Et d'autres mesures de l'administration surprennent carrément par leur audace. La permission de ralentir au panneau d'arrêt pour céder le passage (le stop Idaho). Le droit de circuler dans certaines voies réservées aux bus. Ou encore, la hausse des sanctions liées à l'« emportiérage ».

L'objectif, soulignons-le, n'est pas de donner aux cyclistes tous les droits. Dans les recommandations de la Ville, d'ailleurs, on retrouve une hausse des amendes aux cyclistes délinquants. Avec raison.

L'objectif est plutôt de rappeler que les vélos ont autant leur place sur la voie publique que les autos. Qu'ils sont plus vulnérables, aussi. Et qu'il faut toujours regarder dans son rétroviseur avant d'ouvrir sa porte d'auto...

Autre inconguité...



Devant le parc Outremont se trouve une pancarte. Sur la pancarte, une série d'interdictions, puis les amendes imposées aux contrevenants. Ainsi, si vous entrez dans le parc avec un chien, vous recevez un constat d'infraction de 100 $. Si vous vous promenez sur votre vélo, 100 $ aussi. Et si vous entrez carrément dans le parc en auto... 50 $. Parce que c'est bien connu qu'un vélo dans une aire de jeux, c'est bien plus dangereux qu'un char.

J'ai appelé l'arrondissement pour le fun. La mairesse a été mise au courant. Et quelques jours plus tard, elle annonçait au conseil que les amendes allaient être révisées.

Ben coudon. La prochaine fois, je demande la paix dans le monde.