On a beau avoir organisé notre lot de sommets au Québec, l'événement «je vois mtl», tenu hier, ne ressemblait à rien de connu...

Les 1500 participants étaient réunis en petites cellules un peu partout dans les salles, les foyers et les corridors de la Place des Arts. Ils pouvaient se promener d'un groupe à l'autre, s'impliquer dans une discussion ou une autre.

L'objectif était de passer au crible, juger et surtout enrichir la centaine de projets qui avaient été déposés par des citoyens sur la plateforme web de l'événement au cours des derniers mois.

On a ainsi tenu une trentaine d'ateliers simultanément. À quatre reprises dans la journée. Dans chacun d'eux, on retrouvait un tableau blanc, un leader et son projet. Les gens s'assoyaient autour de lui, s'agenouillaient ou restaient debout. Certains s'immisçaient, d'autres se taisaient. Certains parlaient fort, d'autres, moins.

Tout était ouvert, transparent, cacophonique, chaotique même. Comme l'est tout processus créatif.

Car je vois mtl, c'était d'abord et avant tout un vaste brain storm organisé pour impliquer les membres de la communauté dans le devenir de Montréal. C'était le début de quelque chose plutôt que son issue. C'était un élan donné pour les 10 prochaines années.

L'événement ne ressemblait à rien de connu, donc, sinon peut-être une séance de speed dating. Un immense speed dating où chacun vend sa salade, tente de convaincre, de séduire avec l'espoir d'un coup de fil, d'une liaison, ou peut-être même, d'un partenaire.

À la puissance 1000.

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Un des projets les plus courus de la journée est certainement celui de Louis Vachon. L'homme est à la tête de la Banque Nationale, mais c'est le citoyen en lui qui n'en pouvait plus de son trajet quotidien entre le bureau et la maison.

Chaque jour, il emprunte l'autoroute 20 pour se rendre au centre-ville. Chaque jour, il se désole de la laideur du parcours, comme tous les voyageurs qui partent de l'aéroport pour se rendre au centre-ville.

Il a donc décidé de faire quelque chose. Il en a parlé à son entourage. Il en a parlé à l'agence de pub de son entreprise. Et le fruit de cette démarche personnelle a été présenté hier à je vois mtl: un parcours d'installations artistiques tout le long de l'itinéraire qui relie l'aéroport au centre-ville.

Le projet n'est pas ficelé, pas financé, pas même détaillé. Mais il est porté par un homme qui y croit et par son équipe. Exactement le genre d'actions présentées hier afin que les participants le critiquent et l'enrichissent.

Autour du tableau blanc, il y avait 50 personnes. Dans le lot, un entrepreneur, un ancien cadre, un universitaire et un fonctionnaire, notamment. Ils ont proposé, pêle-mêle, que l'industrie aéronautique aide à financer le projet. Que les 15 millions de visiteurs de l'aéroport payent 1$ chacun. Que les oeuvres d'art s'intègrent à des interventions plus larges sur le paysage. Que les installations mettent de l'avant les valeurs de Montréal.

Autant d'idées qui serviront à bonifier le projet d'ici le début de sa réalisation, en 2017.

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Pour un non-initié, ce genre de brassage d'idées à grande échelle est déconcertant. Tout le monde parle en même temps. On ne saisit pas toujours de quoi il est question. L'un émet son opinion, l'autre dit le contraire, puis un troisième fait une remarque hors sujet.

Des propos qui semblent peu productifs pour le commun des observateurs... mais qui sont de la plus haute importance, selon Martin Gauthier, président de Sid Lee Montréal.

«Ce genre de table ronde est crucial pour tout projet d'envergure, explique-t-il. C'est un focus group qui nous dit si l'idée de départ est bonne ou pas. C'est la meilleure façon d'éviter de se planter. Et quand on reçoit une réponse positive, ça donne l'énergie pour continuer.»

Les projets présentés hier étaient de tous ordres. Petits et gros. Audacieux et banals. Abscons et concrets. Avancés et préliminaires.

Dans le lot... Un «passeport culturel» pour faire rayonner les institutions de Montréal en dehors de l'été. Une transformation d'église en carrefour d'entrepreneuriat social. Un programme visant à mieux exploiter les terrains vagues. Une transformation de théâtre en cinéma. Et tant d'autres.

Au tout début du processus, on en comptait plus de 300. On en dénombrait plus de 200 hier matin. Et à la fin de la journée, les différents leaders se sont engagés à en réaliser 180, sans subventions. Après avoir passé la journée à recueillir des commentaires et des suggestions. Après avoir trouvé, peut-être même, un partenaire d'affaires.

«Des sommets, des colloques et des tables de concertation, il y en a à tout bout de champ, reconnaît Martin Gauthier. Mais soyons honnêtes, ça débouche rarement sur quelque chose de concret. Or je vois mtl, c'était très différent: les gens ont proposé des projets, puis ils se sont engagés à les réaliser. Ils ont signé de leur sang!»

«Moi, c'est la première fois de ma carrière que je voyais ça.»