J'ai toujours cru que le Québec devait ramener le déficit à zéro. Qu'après six déficits annuels d'affilée, il fallait stopper l'hémorragie pour enfin passer à une ère post-déficit.

Maintenant que l'exercice est réalisé, toutefois, on se rend compte que certains secteurs n'ont pas trouvé de solutions de rechange aux compressions. Que des programmes ou des ressources dont le Québec ne peut se passer ont été coupés.

Les services de francisation de la Commission scolaire de Laval en sont un bon exemple. Hier, ma collègue Louise Leduc révélait que pour combler son déficit, la commission scolaire avait éliminé 20 emplois du service de francisation, soit la plupart des postes. Il s'agit d'employés à statut précaire, plus faciles à abolir.

La direction dit ne pas avoir le choix : elle doit trouver 1,3 million de dollars pour boucler son budget. Or, au cours des deux dernières années, la commission scolaire a réduit les services aux élèves handicapés ou en difficultés d'apprentissage (EHDAA). Et Québec lui interdit de réduire les fonds aux bibliothèques, ou ceux destinés à la promotion des saines habitudes de vie et à la prévention de la violence.

Bien que ces derniers dossiers soient parfois fort médiatisés, il n'est pas évident que les écoles ont toutes besoin des mêmes fonds pour prévenir la violence ou aider aux devoirs, par exemple. Et par ailleurs, revient-il à l'école ou aux parents de promouvoir les saines habitudes de vie ?

Quoi qu'il en soit, les services de francisation écopent, dans un contexte où Laval reçoit une forte proportion des quelque 50 000 immigrants qui entrent au Québec chaque année. L'an dernier, par exemple, Laval a accueilli de nombreux réfugiés syriens, mais la commission scolaire dit ne pas avoir reçu de fonds additionnels pour leur intégration.

Ces services de francisation ne sont pas accessoires. Dans une classe de 20, 25 ou 30 élèves, un enseignant ne peut pas passer sa matière aux élèves qui ne maîtrisent pas minimalement la langue. À moins, bien sûr, de leur consacrer plus de temps au détriment de la masse des élèves.

Les compressions deviennent loufoques dans le contexte des objectifs du gouvernement Couillard en matière d'immigration. 

La ministre Kathleen Weil propose d'augmenter légèrement l'immigration, mais le Québec doit surtout parvenir à résoudre ses gros problèmes d'intégration. Qu'il suffise de rappeler que le taux de chômage des immigrants à Montréal est de 18 %, contre 7 % pour les natifs d'ici.

Or, pour y parvenir, le plan de la ministre Weil propose justement un investissement accru en francisation, entre autres. « Le français est un vecteur indispensable d'intégration », déclarait cet été la ministre lors du lancement d'une campagne pour des cours de français.

Lors du dernier budget, des crédits supplémentaires de 4 millions ont d'ailleurs été alloués afin d'augmenter l'offre de services en francisation aux immigrants en 2016-2017. Cette hausse fait porter le total annuel à 70 millions.

Visiblement, les actions du gouvernement ont des effets contradictoires. D'un côté, on investit, mais de l'autre, des mesures ont pour effet de réduire les ressources en francisation.

Les compressions dans la francisation à l'école donnent à réfléchir quand on connaît l'importance de la langue pour l'épanouissement des enfants et leur intégration en société. Quand on sait, aussi, que les enfants sont souvent la porte d'entrée du français dans certaines chaumières...

Maintenant que le déficit zéro est atteint et que la poussière est retombée, le gouvernement doit s'affairer à réparer les pots cassés. Il doit séparer l'accessoire de l'essentiel, en éducation, en santé et ailleurs. Il doit avoir l'humilité et la sagesse de reconnaître que certaines compressions étaient injustifiées et qu'il faut, avec notre nouvelle marge de manoeuvre, réinjecter des fonds ciblés dans certains services.