Bien des gens critiquent les belles conditions de travail des enseignants et leurs longues vacances annuelles. D'autres répliquent que le métier de prof est très stressant et que la gestion des classes est un défi grandissant.

Qu'en est-il au juste? Les enseignants du Québec sont-ils surpayés, sous-payés ou payés adéquatement, compte tenu de leur travail? Pour juger de leur rémunération, dans le contexte du déficit zéro, quoi de mieux que de comparer avec ce qui se fait ailleurs, en particulier au Canada anglais.

À ce sujet, Statistique Canada publie une étude annuelle appelée Indicateurs de l'éducation au Canada. La plus récente a justement été publiée à la mi-décembre et porte sur l'année 2011-2012.

Au Québec, un enseignant au sommet de l'échelle salariale gagnait 72 212$ en 2011-2012. Parmi les 10 provinces, les enseignants du Québec se situent au milieu du peloton, bien mieux qu'en Colombie-Britannique (64 131$), mais beaucoup moins qu'en Alberta (92 104$). Ce salaire ne tient pas compte des différences dans le coût de la vie, cela dit, qui est généralement plus bas au Québec.

Vu sous cet angle, les profs du Québec apparaissent donc adéquatement payés, quoique légèrement sous la moyenne canadienne de près de 75 000$.

Il y a toutefois un hic. Pour atteindre le sommet de l'échelle, les enseignants doivent patienter au moins 15 ans, soit l'échéance la plus longue de toutes les provinces. Les enseignants des autres provinces arrivent plutôt au sommet en 10 ou 11 ans, sauf en Saskatchewan (14 ans), si bien qu'à 10 ans d'ancienneté, les enseignants du Québec sont les moins bien payés du Canada (58 643$), loin derrière la moyenne canadienne de 71 482$.

Cette rémunération nettement moindre à 10 ans d'ancienneté s'explique aussi par le salaire d'entrée des enseignants à temps plein. Au Québec, ce salaire de départ en 2011-2012 était de 40 317$. Il est souvent versé après quelques années de suppléance et de tâches à temps partiel. Il s'agit du plus faible salaire de départ au Canada, suivi par la Colombie-Britannique (41 963$) et l'Ontario (44 590$). À l'autre bout du spectre, l'Alberta est la plus généreuse (58 228$), encore une fois.

Oui, mais nos profs font-ils le même travail qu'ailleurs? Oui et non. Statistique Canada compare le temps passé à enseigner, d'une part, et le temps de travail à l'école, d'autre part, ce qui inclut la préparation de cours, la correction, les réunions, etc.

En 2011-2012, un prof du secondaire enseignait 612 heures par année, soit l'équivalent de 3,4 heures par jour. En comparaison, ce sont 817 heures au Nouveau-Brunswick, 905 heures en Alberta et 953 heures en Colombie-Britannique.

L'écart est considérable, de l'ordre de 1,5 heure par jour, mais Statistique Canada avertit qu'il s'agit d'estimations. L'une des raisons qui expliquent cet écart est l'année scolaire plus longue, soit 36 semaines au Québec contre 37 pour la moyenne canadienne.

En revanche, quand on inclut tout le temps passé à l'école, en plus de l'enseignement, le temps de travail des enseignants québécois dépasse celui des enseignants des huit autres provinces que Statistique Canada a pu évaluer, soit 1280 heures, contre une moyenne de 1228 au Canada.

N'est-ce pas curieux? Certes, les comparaisons sont difficiles à faire, mais est-il possible que les profs du Québec consacrent une part significative de leur travail à autre chose que l'enseignement? Rencontre individuelle avec les élèves (récupération), rencontre de parents, réunions, surveillance, activités parascolaires, etc. Ou est-ce parce que la dynamique patronale-syndicale a abouti à une décomposition plus détaillée du travail des profs qu'ailleurs?

Dans ses récentes offres, le gouvernement demande aux enseignants de faire passer le temps de présence à l'école à 35 heures, contre 32 heures actuellement. Les syndicats répliquent qu'il n'est pas pertinent de minuter le temps à l'école, que le travail additionnel se fait à la maison (correction, préparation, etc.).

De plus, les syndicats se plaignent des réunions de formation totalement inutiles qui leur sont imposées et des exigences de surveillance sous-productives (dans la cour d'école, les corridors, etc.). «Pourquoi ne pas embaucher des surveillants payés moins cher que les profs?», dit Martin Lauzon, vice-président aux relations de travail de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE).

Bref, les négociations seront rudes, si l'on inclut les demandes concernant la composition des classes, le gel des salaires et la retraite repoussée à 62 ans.

Malheureusement, les enseignants du Québec ne peuvent pas espérer rejoindre les salaires souvent plus grands de leurs collègues de plusieurs provinces. Le Québec a une croissance économique plus faible depuis des années, et les salariés de l'État continueront à en payer le prix à l'avenir, inévitablement.

---------------

SALAIRES DES ENSEIGNANTS AU QUÉBEC ET AILLEURS

(Premier cycle du secondaire)

[Au départ | Après 10 ans | Après 15 ans]

Terre-Neuve-et-Labrador : 51 166$ | 67 001$ | 67 001$

Île-du-Prince-Édouard : 47 135 | 68 117 | 68 117

Nouvelle-Écosse : 48 020 | 68 536 | 68 536

Nouveau-Brunswick : 48 793 | 72 594 | 75 241

Québec : 40 317 | 58 643 | 72 212

Ontario : 44 590 | 75 336 | 75 336

Manitoba : 52 477 | 80 604 | 80 604

Saskatchewan : 50 467 | 74 799 | 78 143

Alberta : 58 228 | 89 850 | 92 104

Colombie-Britannique : 41 963 | 64 131 | 64 131

Canada (1) : 47 614$ | 71 482$ | 74 981$

1- Inclut les enseignants situés dans les territoires

Source : Indicateurs de l'éducation au Canada, Statistique Canada