Le Québec ne peut pas se vanter de ses «performances» économiques à tout casser. Par contre, le bilan de santé des Québécois est plutôt enviable lorsqu'on le compare à celui des principaux pays industrialisés.

Ce constat est tiré d'une analyse fort intéressante du démographe Robert Choinière. Le gestionnaire à la retraite vient de mettre en ligne un site internet qui compare le Québec au reste du monde à partir des principaux indicateurs économiques et de santé de la population. Tout y passe: obésité, tabagisme, cancer, crises cardiaques, espérance de vie, etc. Le résultat est fascinant.

Robert Choinière connaît le tabac: il a passé 30 ans de sa vie dans le domaine, et a terminé sa carrière comme gestionnaire à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Ses indicateurs sont tirés des sources les plus fiables.

D'abord, le constat maintes fois entendu: le Québec est en queue de peloton pour la richesse par habitant, mesurée avec le produit intérieur brut (PIB). Ainsi, le PIB par habitant du Québec est de 36 216$US, au 17e rang des 20 nations comparables. Ce PIB par habitant est de 53 085$US aux États-Unis (3e) et de 43 834$US en Suède (7e)(1).

Par contre, le Québec arrive au 5e rang sur 20 pour l'espérance de vie des hommes à la naissance, 5e pour la proportion de naissances de bébés de faible poids et 4e pour la proportion de décès du cancer de la prostate.

En comparaison, les États-Unis sont nettement plus riches (3e), mais l'espérance de vie des citoyens américains arrive au dernier rang (78,7 ans contre 81,9 ans au Québec). Même le réputé Danemark (8e en matière de richesse, avec 43 579$US) arrive 19e sur 20 pour l'espérance de vie (80,1 ans).

«La richesse matérielle ne constitue qu'un élément parmi d'autres permettant d'établir le bien-être et le développement humain d'une population», fait valoir M. Choinière.

Pas convaincu? Le Québec est l'endroit qui a le plus faible taux de mortalité pour les maladies de l'appareil circulatoire (crises cardiaques, etc.), de même que pour les maladies cérébro vasculaires (AVC et autres).

De fait, dans le premier cas, le taux de mortalité est de 207 pour 100 000 habitants au Québec, contre 319 aux États-Unis (15e) et 408 en Finlande (20e). Quant aux morts des suites de maladies cérébro-vasculaires, le taux est de 32,6 pour 100 000 au Québec, deux fois moins qu'au Japon ou en Suède.

Autres données: le Québec a moins de fumeurs quotidiens (7e) et ses habitants consomment relativement moins d'alcool (6e). Concernant le cancer du sein, il provoque la mort de 26 femmes sur 100 000 au Québec, ce qui place notre société au 9e rang sur 20.

Plus de cancers du poumon

Rien n'est pas parfait, loin de là. Ainsi, la mortalité attribuable à des tumeurs est relativement élevée au Québec (14e), tout comme le suicide (15e) et le cancer colorectal (16e).

Une des pires statistiques du Québec en santé concerne les décès des suites du cancer du poumon. Chez les hommes, le taux de mortalité par ce cancer est de 92 pour 100 000 habitants, tandis que chez les femmes, il est de presque 56, ce qui place le Québec aux 19e et 20e rangs sur 20. En comparaison, ce taux de mortalité est de 37 chez les hommes suédois, de 51 chez les Australiens et de 70 chez les Français.

Pour le Québec, cette donnée est paradoxale étant donné la proportion relativement modérée de fumeurs quotidiens de tabac (17,3% contre 23,3% en France). Robert Choinière croit que cette anomalie pourrait s'expliquer par les effets passés du tabagisme. Peut-être s'agit-il aussi de la toxicité plus grande du tabac en Amérique ou de la consommation possiblement plus prononcée d'autres substances (marijuana, etc.).

Par ailleurs, les données colligées sur le site révèlent un curieux phénomène scandinave: la Suède, la Norvège et le Danemark ont les trois plus importants taux de mortalité par cancer de la prostate (environ 50 par 100 000 habitants), loin devant les autres pays. Au Québec, ce taux est deux fois moindre (environ 26). «Plusieurs études européennes relèvent ce fait, mais ne trouvent pas d'explications», dit M. Choinière.

Bref, le Québec est certainement moins riche que ses principaux concurrents, mais son bilan santé est respectable, ce qui est possiblement le signe d'une moins grande inégalité sociale.

Mieux vaut être pauvre et en bonne santé que riche et malade, non? Probablement. Il reste que pour demeurer en santé au cours des prochaines années, le Québec devra s'enrichir afin de financer un système de santé qui sera davantage sollicité par le vieillissement de la population. Le Québec se classe d'ailleurs 17e sur 20 pour la proportion de sa population qui aura 65 ans ou plus en 2030.

Pour en savoir plus: comparaisons-sante-quebec.ca

(1) Il s'agit de données corrigées pour tenir compte du pouvoir d'achat (données PPA ou parité des pouvoirs d'achat).