Quiconque a côtoyé le milieu le sait: le marché de l'emploi n'est pas souvent facile pour les immigrants. Les entreprises ne reconnaissent pas nécessairement les diplômes de leur pays d'origine et il y a aussi, bien sûr, un fossé culturel entre les nouveaux arrivants et le pays d'accueil.

Combien de fois avons-nous entendu l'anecdote du chauffeur de taxi originaire du Maghreb qui se dit incapable de trouver un emploi dans son champ de compétence malgré son diplôme universitaire.

Deux études intéressantes viennent justement d'être publiées à ce sujet: l'une par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) et l'autre par Statistique Canada.

L'étude de Statistique Canada, qui porte sur tout le Canada, confirme certaines des constatations du milieu, mais révèle aussi des surprises. L'étude des chercheurs Garnett Picot, Feng Hou and Theresa Qiu fait le point sur les salaires des immigrants selon leur niveau de scolarité et le nombre de leurs années au pays. L'étude se concentre surtout sur les hommes, car l'échantillon des femmes immigrantes sur le marché du travail depuis les années 80 est très petit.

D'abord, constate l'étude, les salaires de départ des nouveaux arrivants instruits sont effectivement moindres aujourd'hui qu'il y a 30 ans. Ainsi, la cohorte d'immigrants masculins arrivés au Canada entre 1984 et 1988 titulaires d'un baccalauréat universitaire, obtenait alors un salaire de 57 400$, en moyenne (Tous les chiffres sont exprimés en dollars de 2009).

Ce salaire moyen pour les immigrants débarqués au pays depuis cinq ans ou moins a constamment reculé pour les trois cohortes suivantes jusqu'à un creux de 38 000$ pour la cohorte 1999-2003, soit une baisse significative de 34%. La dernière cohorte analysée (2004-2007) a été un peu mieux traitée, avec un salaire moyen de 41 600$, mais l'écart demeure très grand.

En comparaison, les nouveaux immigrants qui sont titulaires d'un diplôme d'études secondaires ont connu un meilleur sort. Au milieu des années 80, ils obtenaient un salaire moyen de 37 800$. Or, au cours des années suivantes, les arrivants fraîchement débarqués au pays avec un tel diplôme ont obtenu des salaires relativement semblables, bien qu'en légère baisse. Ainsi, la cohorte 2004-2007 des nouveaux arrivants avait un salaire moyen de 36 900$.

En somme, ce sont les immigrants diplômés qui ont perdu des plumes, du moins lors de leurs cinq premières années au Canada.

La bonne nouvelle, selon les chercheurs, c'est que ce désavantage s'efface avec le temps. Autrement dit, les salaires des immigrants plus instruits arrivés dans les années 90 et 2000 ont rattrapé ceux des cohortes des années précédentes.

Par exemple, après une douzaine d'années au pays, le salaire moyen de la cohorte 1994-1998 avait bondi de 57%, à 67 500$, contre seulement 20% pour celui de la cohorte 1984-1988 (69 100$). Cette progression est beaucoup moins rapide pour les titulaires d'un diplôme du secondaire.

«L'avantage salarial attribuable à des études universitaires par rapport à des études de moins haut niveau augmente de manière significative avec le nombre d'années de résidence au Canada. À plus long terme, les immigrants ayant un haut niveau de scolarité continuent de jouir d'un avantage salarial important par rapport à leurs homologues moins instruits», écrivent les chercheurs.

Message aux immigrants instruits: il faut persévérer, le marché du travail finira par récompenser vos compétences avec le temps, et encore davantage dans les secteurs en demande, évidemment.

L'étude de Statistique Canada ne fournit pas de renseignements sur les tendances provinciales. Par contre, la deuxième étude, celle de l'ISQ, fait la comparaison de la qualité des emplois des immigrants en 2012 dans les trois grandes agglomérations canadiennes, soit Toronto, Montréal et Vancouver.

Or, à cet égard, la région de Montréal est moins favorable aux immigrants. Ainsi, 38,6% des immigrants occupent des emplois de qualité faible à Montréal, contre 37,6% à Toronto et 32% à Vancouver. Partout, les immigrants sont plus nombreux que les natifs du Canada à occuper un tel emploi, mais l'écart immigrants-natifs canadiens est plus grand à Montréal (de 13,5 points) qu'à Toronto (12,8 points) et à Vancouver (10,4 points).

À l'inverse, les immigrants sont un peu moins nombreux à occuper un emploi de qualité élevée à Montréal qu'ailleurs. Cette proportion est de 26,6% à Montréal, contre 26,8% à Toronto et 30% à Vancouver. L'écart immigrant-natifs du Canada pour cette catégorie est de 7,3 points de pourcentage à Montréal, contre 5,3 points à Toronto et 3,1 points à Vancouver. L'étude n'indique pas si le niveau de scolarité des immigrants ou leur origine influe sur les résultats.

Pour lire les études:

> www.statcan.gc.ca

> www.stat.gouv.qc.ca