Questions à indices. Qui suis-je? 1-J'ai la plus grosse dette provinciale au Canada. 2-Mon secteur privé crée nettement moins d'emplois qu'ailleurs. 3-La faible croissance de mon PIB par habitant tire le pays vers le bas.

Vous avez trouvé? Non, il ne s'agit pas du Québec, mais de l'Ontario. C'est en tout cas le dur constat que fait un trio d'économistes de l'Institut Fraser dans une étude publiée cette semaine. Certes, le Québec a des défis économiques importants, mais le déclin progressif de la province voisine est maintenant au coeur des préoccupations canadiennes.

L'étude de Livio Di Matteo, Jason Clemens et Milagros Palacios fait une trentaine de pages. Elle dresse un portrait peu flatteur de l'économie ontarienne et constate à quel point les difficultés de Queen's Park déteignent sur le pays tout entier.

Ils s'appauvrissent

Depuis 2001, la richesse relative des Ontariens croît moins vite qu'ailleurs au Canada, selon l'étude. Cette richesse, mesurée par le produit intérieur brut (PIB) par habitant, a crû de 0,3 % par année, en moyenne, une fois l'inflation retranchée. En comparaison, cette croissance a été de 0,8 % au Québec et en Alberta, de 1,2 % au Nouveau-Brunswick et de 1,5 % en Colombie-Britannique.

La conséquence? Au milieu des années 2000, le niveau de vie des Ontariens est passé sous la moyenne canadienne pour la première fois depuis des lustres, se fixant aujourd'hui à 45 933 $, comparativement à 48 643 $ dans le reste du Canada. L'Ontario touche maintenant de la péréquation du fédéral, alors qu'elle a été contributrice pendant des années.

Une partie des problèmes ontariens trouve sa source dans la croissance anémique de la productivité. La création d'emplois dans le secteur privé y est aussi pour quelque chose. Selon l'étude de Fraser, le secteur privé ontarien a accru ses emplois de seulement 14 % entre 2000 et 2013, au 8e rang des provinces canadiennes. En comparaison, le Québec arrive au 4e rang (19 %) et l'Alberta, au sommet (42 %).

Ces problèmes expliquent en partie la déconfiture des finances publiques de l'Ontario, selon les chercheurs. Depuis la crise financière de 2009, entre autres, l'Ontario a multiplié les déficits, si bien que sa dette nette est maintenant de 272 milliards de dollars, la plus grosse au Canada.

Les Québécois continuent d'être les plus endettés, toutes proportions gardées, puisque la dette nette du gouvernement est de 49 % du PIB, comparativement à 39 % en Ontario. Tout de même, la dette ontarienne croît à vitesse grand V, avec une hausse de 103,3 milliards depuis cinq ans, le double du Québec.

Le trio d'économistes juge sévèrement l'attitude des Ontariens et les raisons de leurs problèmes. «Les Ontariens ont été longtemps la pierre angulaire de la Fédération et les années d'abondance ont engendré une culture de suffisance et de politiques de replis sur eux-mêmes, qui tient pour acquis le niveau de vie.»

Selon l'étude, le gouvernement ontarien devrait s'efforcer d'améliorer la compétitivité de la province en réduisant les impôts et les taxes des particuliers et des entreprises.

Le sort de l'Ontario doit préoccuper tous les Canadiens, selon Fraser. Le trio d'économistes a établi une solide corrélation entre la croissance de l'Ontario et celle du Canada. Entre 1982 et 2012, la croissance de la plus importante province a expliqué les trois quarts de la croissance économique ailleurs au pays et les deux tiers de la hausse des emplois. «La performance économique canadienne demeure étroitement liée à celle de l'Ontario», dit l'étude.

Oui, mais...

Ce que j'en pense? L'étude brosse un bon portrait de la situation, mais omet de tenir compte de trois facteurs déterminants dans le déclin relatif de l'Ontario, qui frappe aussi le Québec.

D'abord, l'Alberta et Terre-Neuve ont littéralement explosé depuis 15 ans, grâce à leur pétrole, ce qui désavantage les autres provinces du point de vue de la comparaison. Certes, les conservateurs de l'Ouest gèrent méticuleusement leurs affaires, mais jamais n'auraient-ils prospéré autant sans leur or noir.

Ensuite, le boom des ressources naturelles, notamment pétrolières, a poussé le dollar canadien à la hausse, faisant souffrir les provinces exportatrices, comme l'Ontario et le Québec. Non seulement la montée du dollar, mais aussi la hausse des coûts de l'énergie ont miné la compétitivité des manufacturiers, surtout présents en Ontario et au Québec.

Enfin, la crise de 2009 a durement frappé le secteur financier, mais aussi l'automobile, qui constituent deux moteurs de l'économie ontarienne.

Bientôt, le gouvernement ontarien déposera son budget et il n'est pas impossible que nos voisins et leur gouvernement minoritaire se rendent en élections.

Bref, une économie vacillante, un gouvernement minoritaire, des élections, le scénario vous semble familier?

Cliquez ici pour lire l'étude (en anglais)