Ces derniers mois, le gouvernement péquiste a littéralement ouvert les vannes. Semaine après semaine, de grands projets d'investissement d'entreprises privées sont annoncés, avec l'appui financier du gouvernement.

Ces avances de fonds de l'État, contrairement à la croyance populaire, n'ont pas toutes un impact sur le budget annuel. Une grande partie vient plutôt gonfler directement la dette du gouvernement, sans faire varier d'un iota le déficit de l'année.

La procédure est tout à fait conforme aux règles comptables, rassurez-vous. Toutefois, elle permet au gouvernement, en cette veille d'élections, de stimuler l'économie sans alourdir son budget. Et sans faire de douloureuses compressions additionnelles pour atteindre le déficit zéro, pourrait-on dire. La dette du Québec, par contre, en souffre.

Pour comprendre le phénomène, j'ai fait l'analyse de chacun des projets d'investissement privés de plus de 35 millions de dollars annoncés par le gouvernement péquiste depuis son élection, en septembre 2012. Le résultat est frappant.

Au total, 16 projets entrent dans cette catégorie, pour des investissements de 4,3 milliards. Pour ces projets, le gouvernement du Québec s'est engagé à fournir une aide d'environ 655 millions, de différentes façons.

Or, sur les 655 millions d'aide, à peine un tiers sera inscrit dans le budget annuel du Québec, selon le moment du débours, et plus des deux tiers, soit 447 millions, gonfleront directement la dette.

Comment expliquer ce phénomène? D'abord, il faut savoir que l'impact sur le déficit et la dette varie selon la nature de l'aide financière. Quand le gouvernement verse une subvention - ou un prêt non remboursable, selon le jargon -, la somme est directement inscrite aux dépenses annuelles du gouvernement. Même chose pour la valeur des crédits d'impôt offerts pour les employés des secteurs informatique (30% des salaires) et multimédias (37,5% des salaires).

Le traitement est bien différent lorsque le gouvernement prend une participation dans un projet ou, autrement dit, lorsqu'il injecte des fonds en échange de capital-actions, dans l'espoir d'en retirer des profits. C'est le cas d'une partie de l'aide au projet de Ciment McInnis, en Gaspésie, et de la totalité de celle pour les forages pétroliers de l'île d'Anticosti.

Pour investir de telles sommes, le gouvernement commence par emprunter sur les marchés financiers, ce qui vient engraisser sa dette, et verse ensuite l'argent dans les projets. Les fonds injectés n'ont pas à être inscrits dans les dépenses annuelles du budget, selon les règles comptables. Ils viennent gonfler le passif du gouvernement, et donc la dette, de même que l'actif. Un peu comme l'emprunt contracté pour acheter votre voiture ou votre maison n'a pas augmenté vos dépenses annuelles, seulement votre endettement.

Une autre forme d'aide vient faire augmenter la dette, pour des raisons semblables: les prêts faits aux entreprises. Dans ce cas, toutefois, le gouvernement prend une provision pour refléter la probabilité d'un non-remboursement du capital prêté, comme le font les banques. La provision est passée à la dépense au moment du débours et fait donc gonfler le déficit.

Cette provision est généralement de 30% pour les prêts aux entreprises, mais grimpe jusqu'à environ 40% pour la cimenterie de Port-Daniels-Gascons, un projet risqué. Le reste (60 ou 70%) vient, en quelque sorte, augmenter directement la dette.

Précisons qu'à lui seul, le projet de cimenterie accapare la moitié de l'aide accordée aux grands projets par le gouvernement péquiste depuis son élection. Sans ce projet, l'aide aurait été de 305 millions plutôt que de 655 millions. L'impact des différentes aides sur les déficits et la dette aurait gardé les mêmes proportions (un tiers-deux tiers environ), néanmoins.

Dans ses budgets, le ministère des Finances du Québec donne des détails de l'impact sur la dette des «prêts, placements et avances» aux entreprises. Au cours de l'année qui débute le 1er avril, ce poste augmentera de 1,43 milliard, ce qui correspond à 20% de la croissance de la dette, de 7,15 milliards.

Ce poste englobe la réinjection annuelle de fonds que fait le gouvernement du Québec dans Hydro-Québec. Le poste croîtra encore de près de 1,5 milliard de dollars au cours de chacune des deux années suivantes.

Pour être juste, il faut dire que le gouvernement péquiste n'est pas le seul à avoir fait gonfler la dette de cette façon. Les libéraux ont, eux aussi, eu souvent recours aux prêts et placements. La comparaison entre les deux partis est toutefois difficile à faire en raison du changement des normes comptables, notamment.