Qui ne connaît pas Nestlé? Nestlé et son eau Perrier, son café Nescafé et son chocolat KitKat.

Nestlé a l'un des portefeuilles de produits les plus connus dans le monde, qu'elle entretient jalousement. Ce soin maladif est facile à comprendre: Nestlé doit à ses marques l'essentiel de sa valeur, bien davantage qu'à ses usines, ses équipements ou ses stocks.

La valeur d'une marque est particulièrement apparente quand une entreprise comme Nestlé fait une acquisition. L'an dernier, par exemple, la firme suisse a mis la main sur l'entreprise de produits pour enfants Wyeth Nutrition pour l'équivalent de 12,7 milliards. Or, dans ses livres, Nestlé a attribué 80% de la valeur de Wyeth non pas à ses usines en brique, mais à ses marques, à ses droits de propriété intellectuelle et à son achalandage.

Jeudi, le nouveau maire Denis Coderre a fait appel aux forces vives de Montréal pour relancer la métropole. Il veut que Montréal retrouve sa fierté, redevienne incontournable. Il aurait pu ajouter que Montréal doit redresser son image de marque dans le monde.

Bien sûr, Montréal n'est pas un produit de consommation comme une tablette Apple, une boisson Coca-Cola ou une voiture Mercedes. Ces trois entreprises se classent parmi les 20 premières pour la valeur de leur marque, selon le magazine Forbes, qui les évalue respectivement à 104 milliards US, 55 milliards US et 24 milliards US.

La grande valeur accordée à leur marque s'explique par l'importance de leur notoriété sur le comportement des consommateurs. Retirer la marque Coca-Cola à une boisson gazeuse et elle ne se vendra pas beaucoup.

Une ville n'est pas un «Coke», mais l'image qu'elle projette est primordiale pour attirer des touristes, des investisseurs et de futurs résidants.

Or, depuis cinq ans, l'image de Montréal et du Québec en a pris pour son rhume. Après des mois de manifestations monstres des étudiants, la commission Charbonneau a pris le relais, déterrant des horreurs jour après jour, liant plusieurs administrations municipales au crime organisé. Les départs de personnalités se sont succédé, qu'on pense à Gérald Tremblay, à Gilles Vaillancourt ou à Michel Arsenault.

En parallèle, un des fleurons de Montréal, SNC-Lavalin, trempe aussi dans des histoires de corruption, ici comme à l'étranger. À ce portrait s'ajoutent les débats sur la Charte de la laïcité qui, bien que défendables, malmènent l'image de notre communauté à l'étranger.

Vous voulez des titres? «Mafia sicilienne et corruption gangrènent le Québec», titrait Le Monde en octobre 2012. «The Sopranos of Montreal», écrivait The New York Times en février 2013.

À Toronto, certains médias s'en donnent à coeur joie. Et comme les Américains ne lisent essentiellement que l'anglais, Montréal écope. «Montréal est un désastre», titrait le Maclean's en 2009, qui aurait eu intérêt à surveiller l'imbécile de maire que 47% des Torontois ont élu en 2010.

Tout n'est pas négatif, loin de là. Des manifestations records, une commission d'enquête historique et des débats publics virulents sont tout à fait sains dans une société démocratique. Mais tout ça en seulement deux ans?

Montréal a encore beaucoup d'atouts. Elle compte plusieurs grandes entreprises, quatre universités et des jeunes qui regorgent de talents. Elle est animée, mais sécuritaire, avec plusieurs festivals et une équipe de hockey mondialement reconnue. Elle compte aussi d'excellents ambassadeurs, notamment Céline Dion et le groupe Arcade Fire, qui remercie souvent Montréal dans ses apparitions publiques.

La commission Charbonneau est un passage obligé, qui permettra de faire un nettoyage pour les 20 prochaines années. Pour le moment, ses avantages sont plus grands que ses coûts. Viendra un temps, toutefois, où ce ne sera plus le cas. Où les impacts négatifs sur l'image excéderont les avantages. Il faudra alors tourner la page.

Denis Coderre doit préparer Montréal à cette période charnière. Il doit redonner à Montréal une image dynamique, florissante, ouverte. Il devra alors prendre un soin jaloux de la marque Montréal, à l'exemple des Apple, Mercedes et Nestlé de ce monde. Et permettre à tous d'en profiter.

Merci Vincent!

C'est fou comme un petit incident peut remettre les choses en perspectives. Et nous faire constater qu'on ne vit pas dans une société «toute croche».

Jeudi soir, pour l'anniversaire de mon deuxième fils, j'achète un cadeau chez Steve's, le magasin de musique en face de La Presse. Je prends le métro et, comme toujours, m'enfonce dans la lecture. En sortant, dans la lune, j'oublie la petite boîte coûteuse dans le wagon. Vous pouvez imaginer ma réaction liturgique. Disons que je n'ai pas seulement dit zut.

Une demi-heure plus tard, je reçois un appel d'un bon Samaritain, pas un curé à la retraite, mais un jeune. «Hey man, la facture était dans le sac avec ton numéro de téléphone. Ça m'aurait fait suer si j'avais été dans la même situation.» Il joue de la musique, lui aussi, de la basse. Merci Vincent!