Si vous êtes juif et aimez le chocolat, vous êtes chanceux. Durant les deux mois précédant la Pâque juive, le chocolat kasher importé est complètement exempté de droits de douane et de taxes de vente.

Surpris? Attendez. Le chocolat n'est pas le seul produit à ne pas être «laïque». La confiture, les olives, les croustilles, la margarine, en fait tous les aliments courants importés pour la fête juive bénéficient des mêmes avantages.

Cette disposition du ministère des Finances du Canada est en vigueur depuis plusieurs années. Le mémorandum D8-3-6 décrit précisément l'admissibilité. Ainsi, en 2014, les produits seront dédouanés

et exemptés de taxes de vente entre le 13 février et le 21 avril. Le reste de l'année, les douaniers prélèveront un droit variant de 2,5 à 6,5%, et les produits seront assujettis à la

taxe de vente (quelque 15% au Québec).

De son côté, la fête chrétienne de Pâques ne bénéficie d'aucun cadeau particulier, mais l'aide de l'État pour pratiquer la religion est accordée à d'autres égards. Les croix, statuettes, bénitiers et chapelets chrétiens destinés aux cérémonies religieuses sont totalement exemptés de droits de douane, toute l'année durant. Il s'agit d'un gain d'environ 5 à 8,5%.

Même t ra itement pour les chandeliers Chanuka ou autres plateaux Seder juifs, de même que pour les symboles religieux bouddhistes ou hindouistes. Les vêtements et les chaussures ecclésiastiques

bénéficient aussi d'une réduction de droits de douane, de l'ordre de 10% environ.

Le débat sur la laïcité au Québec omet complètement l'engagement financier de l'État envers les religions. La question est pourtant fondamentale.

Les dons des contribuables aux organismes religieux, par exemple, donnent droit à de généreux crédits d'impôt, au provincial comme au fédéral. Avec ce crédit des gouvernements, un don de 1000 $ ne coûte que 550$ au donateur.

Ce crédit est accordé à tout organisme de bienfaisance s'il satisfait au moins l'une des quatre conditions suivantes : il soulage la pauvreté, il favorise l'avancement de la religion, il favorise l'éducation ou, enfin, il fait des activités qui profitent à la collectivité. Autrement dit, les organismes dont l'unique objectif est de faire avancer la religion ont doit à ce généreux crédit.

Dites-moi, quels principes justifient que l'État favorise l'avancement de la religion, plutôt que la laïcité? Pour quelles raisons les contribuables doivent-ils financer les objets religieux et les institutions religieuses et non les produits respectueux de l'environnement, par exemple?

On peut arguer que la plupart des religions prônent le respect d'autrui, le don de soi, l'humilité, qui sont des valeurs souhaitables en société. Le problème, c'est que la plupart des religions perpétuent des principes très discutables, comme la supériorité de l'homme sur la femme. Chez les catholiques et les musulmans, par exemple, les femmes ne peuvent devenir prêtre ou imam. Est-ce que l'État devrait souscrire à ces valeurs par sa fiscalité avantageuse ? 

Au Québec, l'État subventionne également des écoles privées confessionnelles. Seize de ces écoles sont juives, quatre, musulmanes, trois, arméniennes et une, grecque. Plusieurs autres ont des racines catholiques. Faut-il remettre en question les contributions de l'État dans le contexte de la laïcité?

Des millions de dollars

La chronique de mardi, «Le fisc n'est pas laïque», a suscité beaucoup de commentaires. Essentiellement, j 'estimais que les mesures favorisant la religion coûtent de 50 à 100 millions de dollars par année au gouvernement du Québec et aux municipalités.

Depuis deux jours, l'Agence du revenu du Québec (ARQ) et son pendant canadien (ARC) ont pu me donner des chiffres plus précis. Au Québec, les organismes religieux ont reçu des dons des particuliers et des entreprises totalisant 374 millions en 2011, année la plus récente disponible.

En recoupant cette information avec d'autres données de l'ARQ et de l'ARC, nous avons pu estimer, de façon prudente, que les particuliers et entreprises du Québec ont bénéficié d'avantages fiscaux totalisant 50 millions au provincial et 43 millions au fédéral, pour un total annuel de 93 millions.

L'autre gros avantage des organismes religieux vient de l'exemption de taxes foncières et scolaires que doivent leur accorder les municipalités en vertu de la loi.

La Ville de Montréal compte 1146 bâtiments religieux exemptés de taxes, dont la valeur foncière actuelle est de quelque 2,5 milliards de dollars. Québec, l'agglomération compte 226 bâtiments de cette nature (541 millions).

Pour estimer leur manque à gagner, nous avons supposé que ces bâtiments paieraient le taux de taxe résidentiel, beaucoup plus bas que le non résidentiel. Comme le taux combiné de l'impôt foncier

et de la taxe scolaire pour le résidentiel est d'environ 1,30$ par 100$ d'évaluation foncière,

on peut estimer le manque à gagner à 39 millions pour ces deux seuls territoires.