Le Sommet sur l'enseignement supérieur, qui se déroulera lundi et mardi prochains, sera-t-il un succès? Tout dépend du sens que l'on donne au mot succès.

À un premier niveau, celui du jeu politique, il y a de bonnes chances pour que le gouvernement Marois réussisse à forcer les partenaires de s'entendre sur quelque chose, ce que l'on appellera un consensus. Mais à l'autre niveau, celui qui compte - la place de l'université dans notre société, son avenir et son succès -, tout indique que l'on se dirige vers un sérieux échec, du genre qui fera reculer le Québec.

Si l'on se fie aux signaux qui se multiplient depuis quelques semaines, on voit bien que sur le financement - le thème qui a le plus fait couler de l'encre, de la salive, et même un peu de sang - les associations étudiantes accepteront en maugréant une indexation de leurs droits de scolarité.

De leur côté, les universités, qui ont peu de marge de manoeuvre face à un gouvernement qui est leur bailleur de fonds, devront se rallier avec un fusil sur la tempe et se satisfaire de déclarations généreuses, de promesses de financement futur et sans doute d'un foisonnement de rendez-vous, assises et autres chantiers.

Au plan politique, le gouvernement Marois marquera peut-être des points auprès de Québécois qui souhaitent le calme et l'harmonie parce qu'il aura réussi à neutraliser le mouvement social de l'automne. S'il réussit à faire oublier qu'il avait contribué à aggraver la crise qu'il a ensuite désamorcée, et qu'il y est parvenu en donnant aux associations étudiantes presque tout ce qu'elles demandaient.

Mais quand on regarde les autres grands rendez-vous de ce genre que le Québec a connus, la récolte semble bien mince. Les sommets significatifs, ce sont ceux qui ont réussi à bâtir un consensus sur de grands virages, comme celui où Lucien Bouchard a fait accepter la doctrine du déficit zéro. Cette fois-ci, le fait de s'entendre sur une indexation déjà en place depuis 2006 n'a rien de particulièrement révolutionnaire.

Pour le reste, on n'a pas vu grand-chose qui ferait progresser notre réflexion collective sur l'enseignement supérieur, qui faciliterait un engagement collectif envers nos universités, qui insufflerait un quelconque élan en faveur de cet élément central au développement d'une société moderne. Parce que le gouvernement a bien davantage investi ses énergies à régler des problèmes de court terme plutôt qu'à définir la feuille de route pour l'avenir.

D'une part, parce qu'on réfléchit à vide. Les rencontres thématiques qui ont précédé le sommet étaient assez pauvres en termes de contenu, tant et si bien qu'on arrive au sommet lui-même sans disposer des données, des connaissances et des analyses qui serviraient de base objective pour faire des choix éclairés sur le financement des universités, leur performance, la recherche ou l'accessibilité aux études. Quand on y pense, cette absence de support factuel est assez paradoxale dans une réflexion sur l'enseignement supérieur.

D'autre part, la contestation du printemps et les jeux de marchandage dans la préparation d'un sommet ont mené à des dérives et à une perte de repères sur un grand nombre d'enjeux liés aux universités, que ce soit l'acharnement sur les administrations universitaires, la négation de l'existence d'un problème de financement, une approche militante à la problématique de l'accessibilité, une méfiance de la recherche. Il faudra des années pour corriger ces dégâts et rebâtir les véritables consensus dont nous avons besoin pour soutenir nos institutions de savoir.

Évidemment, c'est un exercice périlleux de prédire le succès ou l'échec d'un événement avant sa tenue. Il est possible que j'aie tort et que ce sommet donne de solides résultats. Si je me suis trompé, je serai le plus heureux des chroniqueurs.