Pendant que Pauline Marois tentait de convaincre l'élite économique au Forum international de Davos que le Québec était une terre accueillante pour les investissements, se déroulait, au fin fond de la Gaspésie, un petit psychodrame qui démontre plutôt le contraire.

La maire de Gaspé, François Roussy, a adopté un règlement qui interdit à la société Pétrolia d'entreprendre un forage d'exploration sur le territoire de la ville par crainte des risques que cela pose pour les sources d'eau potable. Un règlement dont la firme conteste la validité. Trois ministres sont intervenus pour favoriser la discussion entre la Ville et l'entreprise. Le résultat? Pétrolia reporte son projet et va poursuivre ses activités ailleurs.

Pourquoi y a-t-il eu ce mouvement d'opposition au projet de Pétrolia? Parce qu'il y a, au Québec, une méfiance palpable à l'égard du pétrole. C'est la toile de fond. La méfiance est encore plus grande, on l'a vu avec le gaz de schiste, si les activités se déroulent sur le territoire d'une municipalité. Dans le cas de Gaspé, le forage du puits Haldimand 4 se déroulerait à cinq kilomètres de la ville proprement dite, près de ses sources d'eau potable, ce qui a suscité des inquiétudes compréhensibles.

Par contre, au Québec, on sait que les territoires des villes sont si vastes que certaines zones dites municipales comptent plus d'orignaux et d'ours noirs que d'humains. Le puits d'Haldimand n'est pas collé sur des zones peuplées. Il ne s'agit pas d'une exploitation pétrolière, mais d'un forage classique d'exploration, pour évaluer le potentiel pétrolier. Ce n'est pas non plus du développement sauvage.

Même la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, certainement pas une partisane du développement à tout prix, affirme que ce forage ne menace pas la source d'eau potable de la municipalité, et que, pour quelques sources d'eau individuelles à proximité du puits, «les risques sont très, très, très limités».

Bien sûr, les permis d'exploitation ont été délivrés par le gouvernement précédent. Mais si le nouveau gouvernement estime que l'encadrement de l'activité pétrolière est insuffisant, il doit définir clairement les nouvelles règles du jeu. Et dans ce cas-ci, comme la ministre Ouellet écarte le risque pour l'eau potable, le coeur du conflit, on ne comprend pas pourquoi elle n'appuie pas le projet.

Mais Québec a plutôt choisi l'approche passive, en laissant la Ville décider, avec un règlement municipal élaboré dans l'émotion. C'est une démission. Parce que même si les petites villes doivent avoir un mot à dire, le fait de leur donner un pouvoir de vie et de mort sur des projets majeurs ouvre la porte à l'arbitraire et l'imprévisibilité. Ajoutons ceci. Avec le degré de corruption du monde municipal, les risques d'abus seraient considérables.

Ce qui étonne toutefois, c'est le contraste entre la véhémence du maire et le délabrement de l'économie de sa ville. M. Roussy a affirmé qu'«on ne fera aucun compromis» sur la qualité de l'eau, même si la menace semble pourtant pratiquement inexistante.

Le taux de chômage atteint 14,6% en Gaspésie, presque le double du 7,5% de l'ensemble du Québec. Le taux d'emploi, à 45,5%, est loin de la moyenne québécoise de 60,6%. À l'intérieur de la région, Gaspé ne se distingue pas par son dynamisme. Son économie repose sur quatre secteurs: les pêches et le tourisme, fragiles et saisonniers, les services gouvernementaux - des fonds publics - et les éoliennes - subventionnées.

Et le maire, appuyé par une partie de la population, en adoptant un règlement qui rend impossible le développement pétrolier, dit non à la seule chose qui, depuis un demi-siècle, pourrait mettre sa ville à l'abri du chômage chronique et de la dépendance. Appelons cela du sous-développement durable.