Finalement, le ministre des Finances Nicolas Marceau s'en est assez bien tiré. Selon le sondage CROP publié samedi dans La Presse, le taux d'approbation de son budget atteignait 55%. C'est un score élevé dans les circonstances, pour un budget d'austérité qui contient pas mal de mauvaises nouvelles.

Cet appui reste néanmoins fragile, car le Parti québécois, malgré l'appui à son budget, perd des plumes du côté des intentions de vote, de 35% à 31%. Et il ne faut pas oublier que le succès relatif de ce premier budget péquiste repose en bonne partie sur le fait qu'il n'est pas vraiment péquiste, qu'il contient plusieurs mesures où le gouvernement Marois a abandonné ou édulcoré ses promesses électorales.

Il n'en reste pas moins que ce budget est assez populaire et assez équilibré pour qu'on ne voie comment libéraux et caquistes pourraient y trouver matière à renverser le gouvernement et replonger le Québec en campagne. Voilà un test réussi pour le gouvernement Marois.

Ce sondage nous dit indirectement autre chose. Et c'est que les sondages ont leurs limites! Un gouvernement ne peut pas concevoir ses budgets uniquement en fonction des désirs de l'opinion publique. Dans ce CROP, comme dans tous les sondages qui portent sur des budgets, les citoyens ont tendance à évaluer les initiatives budgétaires en fonction de leurs intérêts immédiats.

La baisse de la taxe santé pour les moins riches et la hausse d'impôt pour les plus riches ? 53% d'appuis, ce qui n'est pas loin de la proportion de gagnants dans ce remue-ménage fiscal. La hausse des taxes sur le tabac et l'alcool ? 77% d'appuis, normal pour une société de non-fumeurs. Le crédit d'impôt pour activités sportives et culturelles ? Un appui record de 80%, parce qu'on aime toujours les cadeaux et que presque tout le monde a des enfants ou de petits-enfants. Enfin, l'augmentation des tarifs d'électricité est extrêmement impopulaire, avec à peine 24% d'appuis, parce que tout le monde a une facture d'Hydro à payer.

La seule façon de rendre un budget populaire, c'est de le truffer de mesures populaires. Mais la démocratie directe et l'écoute citoyenne ont leurs limites. Que faire quand il faut, au nom du bien commun, prendre des décisions qui déplairont vraiment?

C'est ce désir de plaire qui a amené le gouvernement Marois, dans ce qui est l'élément le plus désolant de ce budget, à renverser une mesure annoncée il y a deux ans par Raymond Bachand, la hausse d'un cent sur cinq ans du prix du bloc d'électricité patrimoniale.

Le PQ a abandonné sa promesse électorale d'un gel pour plutôt annoncer une indexation du prix de cette électricité. Même si la note sera beaucoup moins salée pour les consommateurs- une hausse des tarifs de 1,1% par an entre 2014 et 2018, au lieu des 3,7% du projet libéral-  les Québécois l'acceptent mal. Parce qu'on touche à un droit acquis qui a pris des proportions symboliques.

Ce symbole, le budget le reprend à son compte en disant que «Le bas prix de l'électricité patrimoniale a été établi sur la prémisse que cette richesse doit bénéficier à tous les Québécois, notamment par des tarifs d'électricité avantageux». C'est une mauvaise prémisse, que personne d'autre n'invoque dans le monde industrialisé. L'Alberta ou la Norvège de vendent pas leur pétrole à rabais à leurs citoyens.

La meilleure façon d'utiliser une richesse collective, c'est à des fins collectives. C'est ce que proposait le ministre Bachand en consacrant les fruits de cette hausse au remboursement de la dette. En se contentant d'une simple indexation, le ministre Marceau compromet la capacité du Québec de réduire le fardeau de la dette et perpétue l'anomalie d'une politique de rabais qui encourage la surconsommation.