Ça fait des mois et des mois que je me disais que je devrais écrire sur l'imbroglio des BIXI. Sur cette règle absurde du gouvernement du Québec qui forçait la ville de Montréal à se départir des activités internationales de la Société de vélo en libre-service, celles-là mêmes qui sont rentables et qui aident à financer les services montréalais.

Et voilà que nous apprenons, de la bouche même du ministre des Affaires municipales, M. Laurent Lessard, que Québec n'aurait jamais imposé une telle exigence à la ville. Un revirement qui nous laisse tous perplexes et incrédules.

Cet incident, une véritable comédie des erreurs, encapsule de façon fascinante un grand nombre des problèmes politiques et administratifs dont souffre Montréal.

Au départ, pourtant, il y avait un coup de génie. L'idée d'un service de location de vélos n'est pas une invention montréalaise. Mais le modèle du BIXI, grâce à son design, est un remarquable succès, ce qui explique qu'on puisse l'exporter. Au plan local, c'est également une réussite. Les BIXI ont suscité un grand engouement et ont contribué à transformer les habitudes de transport urbain.

Mais le premier problème, c'est que notre maire, Gérald Tremblay, est certes imaginatif, mais il est flou. La structure de BIXI était imprécise, les opérations peu transparentes, les finances approximatives. Cela reflète la personnalité de M. Tremblay - pas intéressé par les détails, comme on l'a découvert avec l'affaire Zampino - mais aussi l'amateurisme de l'administration municipale.

Le deuxième problème, c'est un vérificateur général qui est une bombe ambulante. Il a remis un rapport sur le BIXI, en juin dernier, inutilement abrasif, qui a créé plus de problèmes qu'il en a résolus. C'est son rapport, où il écrivait que Québec exigeait la vente du volet international, qui a parti le bal.

Le troisième problème, c'est que notre bon maire, en plus d'être flou, est également mou. Il s'est plaint de cette disposition. Mais il y a une différence entre se plaindre et aller au bâton. S'il avait confronté le gouvernement québécois sur l'absurdité de cette exigence, le dossier aurait suivi un autre cours.

Le quatrième problème, c'est le manque de communication hallucinant aux deux bouts de la 20. Le vérificateur dit clairement dans son rapport du 20 juin 2011 que c'est Québec qui exige la vente des activités internationales de BIXI. Québec dit au maire de respecter les recommandations du vérificateur. Et maintenant, le ministère des Affaires municipales, le MAMROT, dit avoir été étonné, cet hiver, de voir le maire parler de cette obligation. Pourtant, cela faisait l'objet d'un débat public depuis six mois qui a mené, entre autres, à la démission du patron de BIXI. Et qu'a fait le MAMROT? Un sous-ministre a écrit une lettre... le 9 mai. Vous avez bien lu. Six mois pour s'apercevoir du problème, et cinq autres pour réagir. Et le téléphone? Le code de Montréal, c'est le 514.

Le cinquième problème, c'est le ministre. Ce long silence, c'est soit de l'ignorance de ce qui se passe à Montréal, soit de l'indifférence, soit de la mauvaise foi. Ce à quoi s'ajoute une phrase historique, où M. Lessard, autrefois maire de Thetford-Mines, a dit que c'était discutable de financer avec des taxes des «béciks à pédales». Des propos franchement nonos, qui en disent long sur sa maîtrise des enjeux d'une grande ville.

Cela mène à quelques conclusions. Montréal, qui a besoin d'autonomie, n'ira pas loin si son administration municipale n'est pas de haut niveau. La ville n'arrivera à rien devant un gouvernement au mieux indifférent sans un maire fort, capable de s'imposer. Et il faut absolument que Montréal cesse de relever du ministère des Affaires municipales. Ça prend un ministère de la métropole.