Au sommet du G20, qui commençait hier soir à Cannes, tous les yeux étaient tournés vers les deux zones en crise, l'Europe ébranlée par le cancer grec, et les États-Unis paralysés par leurs blocages idéologiques. Dans cette période trouble, le Canada se présente comme le bon élève qui peut même se permettre de donner des leçons.

Mais est-ce bien vrai? Le Canada a certes moins été frappé par la crise. Le ralentissement qui s'installe maintenant l'affectera moins que les autres pays avancés. On peut donc se consoler en se comparant. Mais cela ne doit pas nous faire oublier les pressions très sérieuses qui s'exerceront sur le Canada dans les années à venir.

La première source d'inquiétude, c'est évidemment le ralentissement mondial, contre lequel le Canada n'est pas complètement immunisé. Selon la Banque du Canada, la croissance, qui était de 3% l'an dernier, passera à 2,1% cette année et à 1,9% l'an prochain, soit un peu mieux qu'aux États-Unis. Si tout va bien, c'est-à-dire si les choses ne se détériorent pas davantage. Dans son rapport préliminaire sur le Canada, cette semaine, le Fonds monétaire international conseillait d'ailleurs aux autorités canadiennes d'être prêtes à soutenir l'économie si la conjoncture se détériorait.

Ce ralentissement économique rendra, dans un premier temps, plus difficile l'élimination rapide du déficit. À la sortie de la récession, chaque pays a cherché un point d'équilibre entre l'assainissement des finances publiques et le soutien à la reprise. Ici, on a clairement choisi la lutte au déficit. À Ottawa, parce que la bonne croissance le permettait, à Québec, parce que la précarité des finances publiques l'exigeait. C'est ainsi qu'on a choisi de ramener le déficit à zéro plus vite qu'ailleurs, en cinq ans Ottawa, en quatre ans à Québec.

Il n'est pas évident que nos gouvernements pourront respecter cet échéancier si la situation se détériore. Et s'ils y parviennent, ce sera au prix d'efforts plus exigeants. Mais nos gouvernements n'ont pas qu'à combattre l'explosion du déficit pendant la récession. Ils doivent aussi composer avec le fait que les dépenses continuent de gonfler, parce qu'il y a de nouveaux besoins, comme les prisons à Ottawa ou des infrastructures à Québec, et que des pressions s'exercent toujours dans des secteurs comme la santé.

Ainsi, même après le retour au déficit zéro, le travail ne sera pas terminé, parce que la structure des dépenses nous ramènera encore dans le rouge. Le directeur parlementaire du budget à Ottawa estime que la structure des dépenses fédérales et provinciales n'est pas viable, et qu'il faudrait une correction de 46 milliards - par des compressions budgétaires ou des hausses d'impôt - pour revenir à une véritable situation d'équilibre. Les quatre économistes qui ont conseillé le ministre québécois des Finances arrivaient à une conclusion similaire.

Cela nous dit que la période d'austérité actuelle n'est pas qu'un mauvais moment à passer. L'élimination du déficit ne ramènera pas une situation de stabilité. Il faut plutôt s'attendre à une situation d'austérité permanente, ponctuée de choix déchirants et d'interventions d'urgence.

D'autant plus que lorsque nous serons sortis de l'actuelle période de turbulences, il faut s'attendre à ce que la croissance canadienne soit plus lente qu'avant, à cause des impacts économiques de la stagnation démographique, de la force du dollar, de l'affaiblissement de notre principal partenaire, les États-Unis, et de l'incursion sur nos plates-banques des économies émergentes.

Nous vivons un peu sous le coup d'une illusion de prospérité, nourrie par le boom des ressources naturelles. Cela ne masquera pas toujours le fait que l'économie canadienne, avec sa croissance de la productivité inférieure à celle de ses partenaires, sera mal équipée pour affronter ces défis.