Le week-end dernier, la chef péquiste Pauline Marois, dans un long discours lors d'un colloque régional de son parti à Montréal, a amorcé un virage majeur de sa stratégie référendaire. «Finies les conditions gagnantes où l'on attendait qu'arrive un événement conjoncturel sur lequel on allait pouvoir miser, a-t-elle dit. Cette fois-ci, on n'attendra pas des événements extérieurs, on va agir sur tous les fronts.»

Le week-end dernier, la chef péquiste Pauline Marois, dans un long discours lors d'un colloque régional de son parti à Montréal, a amorcé un virage majeur de sa stratégie référendaire. «Finies les conditions gagnantes où l'on attendait qu'arrive un événement conjoncturel sur lequel on allait pouvoir miser, a-t-elle dit. Cette fois-ci, on n'attendra pas des événements extérieurs, on va agir sur tous les fronts.»

Ce que Mme Marois promet, c'est une stratégie d'affrontements avec Ottawa et un référendum le «plus rapidement possible», quand on croyait qu'elle avait repoussé celui-ci aux calendes grecques. Ce virage, significatif, a été accueilli dans l'indifférence. Sauf pour quelques libéraux qui ont fait semblant de s'émouvoir du climat de pagaille que créerait une telle stratégie.

Pourquoi? Pour la simple raison que la plupart des Québécois n'ont pas cru Mme Marois. Ils ont interprété cette sortie comme un passage obligé pour la chef péquiste, qui doit amadouer les radicaux de son parti avant de se soumettre au printemps à un vote de confiance.

Mais comment se fait-il que les Québécois tolèrent qu'un chef du PQ puisse tenir un double discours et acceptent comme une chose naturelle qu'il ou elle puisse mentir dans un dossier pourtant crucial, dans un monde où les citoyens ont soif de vérité et de transparence?

Cela semble tenir à une espèce de pacte implicite. Une majorité de Québécois ne veulent pas de la souveraineté, une majorité encore plus forte n'y croit pas. Résultat, les débats qui tournent autour du projet souverainiste relèvent de l'imaginaire, dans un monde mythique où les règles des faits ou du réalisme politique ne jouent pas. En vertu de ces règles non dites, quand Mme Marois parle de souveraineté, elle peut dire à peu près n'importe quoi.

Dans la vraie vie, l'enjeu qui intéresse les gens, c'est la possibilité d'un changement de gouvernement, pas à cause de l'option de Mme Marois, mais parce que bon nombre d'entre eux croient que les libéraux ont fait leur temps, que Mme Marois et son équipe constituent une relève compétente.

Mais la stratégie annoncée par Mme Marois répond à un fantasme encore présent au sein des forces souverainistes. Ils savent bien que l'appui à leur option n'est pas là, et que le seul scénario possible de victoire est celui de l'événement fortuit qui permettrait d'atteindre la barre des 50%.

Que cet accident providentiel soit conjoncturel, ou qu'il soit provoqué, comme le promet maintenant Mme Marois, c'est du pareil au même. Le gros risque pour Mme Marois, si elle était tentée de faire ce qu'elle dit qu'elle fera, ce serait de créer des conditions perdantes. Parce que cela reviendrait à tenter d'amener les Québécois - pour leur bien, évidemment - là où ils ne veulent pas aller.

C'est d'ailleurs pour cette même raison que la règle du 50% + 1 est si importante pour les souverainistes, parce qu'ils ne peuvent pas espérer plus. Mais les débats sur la question sont non seulement théoriques - quand on a du mal à franchir la barre des 40 % - ils peuvent aussi créer des conditions perdantes. C'est le cas, par exemple, des comparaisons que fait le journaliste Jean-François Lisée avec les processus référendaires du Kosovo et du Sud-Soudan.

Je ne crois pas que les Québécois aiment qu'on les compare à des pays où règnent l'horreur et la misère. Ils peuvent bien voir qu'il y avait, au Kosovo et au Sud-Soudan, des conditions gagnantes qui font cruellement défaut ici, une volonté populaire massive pour un référendum et une majorité écrasante en faveur de l'indépendance, et surtout, des raisons puissantes qui n'existent pas ici: fuir l'horreur et la mort. Ces comparaisons ne font pas rêver, elles jouent un rôle de repoussoir.