En bloquant l'achat de PotashCorp, l'entreprise de Saskatchewan, par le géant australien BHP Milliton, le gouvernement Harper a pris tout le monde par surprise. Cette décision, au premier abord, peut même paraître contradictoire et motivée par des considérations bassement politiques.

En bloquant l'achat de PotashCorp, l'entreprise de Saskatchewan, par le géant australien BHP Milliton, le gouvernement Harper a pris tout le monde par surprise. Cette décision, au premier abord, peut même paraître contradictoire et motivée par des considérations bassement politiques.

Les conservateurs sont en effet des apôtres du libre marché. Ils n'ont pas de réflexes protectionnistes. Le premier ministre Harper est allé dans bien des capitales décrire le Canada comme une terre d'accueil des investissements étrangers. Et tout d'un coup, le ministre Tony Clement dit non à une prise de contrôle étrangère, manifestement à la suite des pressions de l'Alberta et de la Saskatchewan.

Il n'y a pas vraiment contradiction. Car dans ce dossier, on mélange bien des choses. D'abord, libre-échange n'est pas synonyme de «free-for-all». Et surtout, il ne faut pas confondre les investissements étrangers, dont le Canada a besoin, et les prises de contrôle étrangères, qui ne lui rapportent pas grand-chose.

Au point de départ, nos gouvernements, à Ottawa ou à Québec, croient à juste titre à un principe général : que l'ouverture des marchés est une bonne chose, que les échanges et les mouvements de capitaux ont un impact positif sur la croissance.

Mais un principe général n'est pas un dogme. Il faut mettre dans la balance nos intérêts nationaux. Par exemple, l'importance de garder un certain contrôle sur des secteurs stratégiques, comme les communications ou le transport aérien, la préservation de l'emploi, ou encore, la préservation de symboles nationaux.

Cette question - ouvrir nos portes ou protéger nos intérêts - on se l'est posée à de nombreuses reprises depuis quelques années, dans le cas de l'achat d'Alcan par Rio Tinto, dans le cas de BCE, dans le dossier des wagons de métro. Il n'y a pas de règle absolue. Que des cas particuliers. Et il n'y a donc rien de scandaleux à ce qu'un gouvernement déroge, dans un dossier précis, à ses normes de conduite.

Il est vrai que les investissements étrangers sont une source de croissance importante, par l'injection de capitaux, mais aussi parce qu'ils augmentent les transferts technologiques et favorisent la concurrence. Les sociétés étrangères, au Canada, font plus de recherche que les autres, innovent plus.

Mais qu'est-ce qu'un investissement? Pour les économistes, tout comme pour les politiciens qui sollicitent des capitaux d'ailleurs, ce dont on parle, ce sont des «investissements directs étrangers», les IDE, des capitaux frais, avec lesquels une entreprise étrangère construit une usine au Canada, fait de l'exploration, ouvre des bureaux, développer ses activités. Dans un tel cas, les avantages sont assez évidents.

Mais une prise de contrôle n'est pas un IDE. Il n'y a pas d'argent frais, seulement des milliards de dollars qui changent de main. Il n'y a pas de développement, pas d'activité économique nouvelle, seulement un changement de propriétaire. En prime, on risque un affaiblissement ou une disparition d'un siège social, avec un impact sur toutes les activités qu'un siège social nourrit. Et finalement, le risque est grand que les choix stratégiques d'un propriétaire étranger nous pénalisent.

C'est hélas le scénario le plus fréquent quand les prises de contrôle étrangères se font dans le secteur des ressources naturelles. Dans le cas de PotashCorp, ajoutons que le Canada, qui détient les plus grosses réserves mondiales de potasse, perdrait le contrôle sur cette ressource stratégique. On cherche en quoi ce serait dans l'intérêt national.

Le Canada envoie-t-il ainsi un mauvais message? Pas nécessairement. Le message que l'on veut envoyer, ce n'est pas que le Canada est à vendre, mais que ceux qui veulent investir ici pour contribuer au développement et en profiter sont les bienvenus. Ce n'est pas du tout la même chose.