Coup de théâtre à Ottawa. Le ministre des Finances, Jim Flaherty a admis mardi en point de presse que le déficit budgétaire, qu'il évaluait à 34 milliards dans son budget de janvier, serait plutôt de 50 milliards.

Un vent de fureur a soufflé sur la capitale. Indigné par ce déficit, le plus important de l'histoire canadienne, le chef de l'opposition libérale, Michael Ignatieff, a réclamé la tête de M. Flaherty, pour cause d'incompétence et de manque de crédibilité.

 

Ceux qui me lisent savent que je ne suis pas un fan du ministre Flaherty, à mon avis un idéologue rigide et sans vision. Mais je vais me porter à sa défense. Les attaques dont il fait l'objet sont injustes et, surtout, incohérentes. Cela nous rappelle encore une fois que la politique partisane est la pire façon d'aborder un enjeu grave comme la crise économique.

Pour commencer, il faut arrêter de jouer avec les chiffres. À 50 milliards, le déficit est peut-être, nominalement, le plus élevé que le Canada ait connu. Mais parce que les prix augmentent et que l'économie grossit, les comparaisons avec le passé ne veulent rien dire. Par exemple, les 34 milliards du temps de Marc Lalonde étaient bien plus graves que les 50 milliards de M. Flaherty, parce qu'ils équivalaient à 8,6% du PIB, presque trois fois plus que les 3,3% actuels.

Ensuite, on peut difficilement accuser le ministre d'incompétence à cause de ses erreurs de prévision. M. Flaherty a utilisé exactement la même approche prudente que son illustre prédécesseur Paul Martin. Depuis une décennie, pour dépolitiser le processus budgétaire, le ministère des Finances construit son budget en se basant sur la moyenne des prévisions économiques du secteur privé.

En janvier, les spécialistes du privé prévoyaient un recul du PIB de 0,8% en 2009. Et c'est cette prévision, que le Ministère a même corrigé à la baisse par souci de prudence, qui a permis de projeter un déficit de 34 milliards. La détérioration marquée de l'économie, depuis janvier, a obligé les maisons spécialisées, tout comme le FMI ou l'OCDE, à revoir leurs prévisions à la baisse, ici et dans tous les pays.

On parle maintenant d'un recul de 2,5% à 3,0% pour le Canada. C'est ça qui propulse le déficit à 50 milliards. Si on veut punir quelqu'un pour cette erreur, il faudrait mettre dehors les hauts fonctionnaires des Finances, les économistes en chef de nos banques et les bonzes des organismes internationaux. Pas Jim Flaherty, qui n'y est pour rien.

Enfin, et surtout, on ne peut pas réclamer une chose et son contraire. L'opposition a beaucoup reproché l'inaction du gouvernement conservateur. Et bien, ce bond du déficit constitue justement un stimulus additionnel dont l'économie peut avoir besoin.

Quand l'économie se dégrade, il est normal que le déficit grimpe. C'est inévitable et même souhaitable. Certains postes de dépenses augmentent naturellement, comme l'assurance emploi, tandis que les revenus baissent. Le gouvernement se trouve ainsi à injecter, de façon automatique, des sommes additionnelles dans l'économie, qui contribueront à la relance.

En s'indignant ainsi du déficit, M. Ignatieff envoie donc un mauvais message. Car on sait bien que, s'il était au pouvoir, il ne tenterait pas de résorber ce déficit, puisque cela entraverait la reprise.

Ces attaques des libéraux sont d'autant plus étonnantes qu'ils ont plein de munitions pour critiquer le gouvernement Harper, comme la lenteur de la mise en oeuvre des projets de relance, les effets dramatiques de la baisse de la TPS sur la marge de manoeuvre gouvernementale, ou l'absence de plan crédible pour ramener le déficit à zéro une fois la récession terminée.