À trois semaines de l'élection du prochain président des États-Unis, Hillary Clinton détient une telle avance sur Donald Trump qu'il est difficile d'imaginer ce dernier remonter la pente suffisamment pour renverser la tendance et remporter l'élection du 8 novembre.

Bien sûr, en théorie, tout peut encore arriver durant les 19 jours qui nous séparent du 8 novembre. Mais les derniers sondages donnent jusqu'à 9 points d'avance à la candidate démocrate, ce qui la place à un cheveu de la Maison-Blanche. Et ce n'est pas sa prestation au troisième et dernier débat de la campagne présidentielle, mercredi, qui permettra à Donald Trump de stopper la débâcle.

À vrai dire, pendant les 15 premières minutes du débat, l'affrontement entre Donald Trump et Hillary Clinton ressemblait presque à une discussion normale, dans une campagne présidentielle quasi normale.

Les deux candidats ont exposé leurs positions, diamétralement opposées, sur des enjeux de société tels que le rôle de la Cour suprême, l'avortement, le contrôle des armes.

On y a entendu Donald Trump s'afficher comme pro-vie et défendre le deuxième amendement de la Constitution américaine. On a aussi vu Hillary Clinton défendre les droits des femmes et promouvoir un contrôle minimal des armes à feu. Que l'on soit d'accord avec l'un ou l'autre, nous étions devant deux candidats exposant leurs points de vue avec calme et civilité - et pour ce qui est de Donald Trump, presque sans renifler.

Mais cette parenthèse a été de courte durée. Le retour sur terre est survenu lorsque le débat est entré dans les eaux troubles des politiques d'immigration. D'entrée de jeu, Donald Trump a indiqué avoir, parmi ses invités à Las Vegas, quatre femmes dont l'enfant a été assassiné par un étranger.

C'était tellement gros que j'ai cru avoir mal entendu, mais non : il a bel et bien invité ces pauvres femmes à assister au débat. Question de montrer ce qui arrive quand on ouvre les frontières : des meurtriers viennent assassiner nos enfants et « empoisonner leur sang » avec de l'héroïne.

À cette étape, Donald Trump était lancé. Il a enchaîné en lançant des insultes, en traitant Hillary Clinton de menteuse, de poltronne et de mesquine, en affirmant que Vladimir Poutine n'a aucun respect pour elle, et que Bachar al-Assad la surpasse en intelligence.

Donald Trump a accusé son adversaire d'avoir fomenté toutes les explosions de violence dans ses rassemblements partisans et d'avoir incité une dizaine de femmes à forger de fausses accusations d'agression sexuelle contre lui  - tout ça pour nuire à sa réputation et saper sa campagne présidentielle.

Ce n'est pas évident de débattre avec un adversaire d'une telle mauvaise foi. Hillary Clinton a répondu à ces attaques avec dignité, en exposant sa vision des choses avec aplomb et en lançant quelques pointes au passage.

Il n'y avait rien, dans cette confrontation, pour remettre la campagne de Donald Trump sur les rails. Tandis que Hillary Clinton a paru plus solide et plus présidentielle que jamais.

Dans les circonstances, la grande question qui se posait mercredi soir ne portait pas tant sur les points que marqueraient l'un ou l'autre des deux candidats. Mais plutôt sur la réaction de Donald Trump au lendemain de sa probable défaite.

Au fil des dernières semaines, sentant le sol glisser sous ses pieds, le candidat républicain n'a cessé de dénoncer ce qu'il qualifie de fraude électorale massive. Il a répété cette accusation mercredi en soutenant que des millions d'électeurs n'auraient jamais dû être enregistrés et en affirmant que Hillary Clinton n'aurait jamais dû pouvoir être candidate à la présidence - et que sa présence dans cette course est donc illégitime.

Ces accusations de fraude, ses allusions à « certaines circonscriptions », souvent à majorité afro-américaine, où le vote est truqué selon lui, soulèvent énormément d'inquiétude pour les lendemains du scrutin du 8 novembre.

Le cas échéant, Donald Trump va-t-il, oui ou non, avoir l'élégance d'accepter les résultats du vote et de reconnaître sa défaite, comme le veut la tradition politique de son pays ? Ou va-t-il plutôt désigner ceux qu'il considère comme responsables de sa défaite - avec tous les risques de dérapages et de violence que cela comporte ?

C'était, en fait, la question la plus importante du débat de mercredi. Donald Trump va-t-il, oui ou non, concéder la victoire à Hillary Clinton si celle-ci est élue présidente le 8 novembre prochain ?

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le candidat républicain a refusé d'y répondre. « Je vous le dirai en temps et lieu. Je vais garder le suspense, OK ? »

Mais non, Monsieur Trump. Ce n'est vraiment, vraiment pas OK. Une élection n'est pas une partie de ballonchasseur dans une cour d'école. En laissant planer l'ombre d'une révolte contre le résultat du vote populaire, le candidat républicain s'est complètement discrédité. Et a vraisemblablement planté le dernier clou dans son cercueil politique.

Mais il a aussi ouvert la porte à des lendemains électoraux dangereux, avec tout l'égocentrisme et l'irresponsabilité qui le caractérisent. Après Trump, le déluge.