Un soir du mois d'août dernier, une alerte à la bombe a semé la panique au centre commercial Sea Plaza, à Dakar, la capitale du Sénégal.

Après avoir évacué les lieux, la police n'a trouvé aucune trace de l'engin explosif. N'empêche : depuis cet avertissement, Carine Guidicelli ne fréquente plus cet endroit, lieu de rencontre des étrangers où, elle aussi, avait ses habitudes.

Cet incident a fait monter la tension dans ce pays d'Afrique occidentale, note la directrice régionale du Centre d'étude et de coopération internationale (CECI), une ONG canadienne très présente dans ce coin du continent africain.

« On voit de plus en plus de barrages militaires à Dakar, les grands hôtels ont fait installer des détecteurs de métal. Moi-même, je me suis récemment fait contrôler dans la rue. »

Cette surveillance constitue à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. D'un côté, elle est le signe d'une grande vigilance par rapport à la menace terroriste. Mais d'un autre côté, elle indique que cette menace pèse plus que jamais sur ce pays qui, avec le Mali et le Burkina Faso, a longtemps fait partie des destinations privilégiées par les coopérants québécois.

Des pays relativement stables et paisibles, avec lesquels le Québec a longtemps entretenu des liens culturels particuliers, favorisés notamment par une proximité linguistique.

Mais depuis le coup d'État contre le président malien Amadou Toumani Touré, en mars 2012, cette région est entrée dans une zone de turbulences. 

De nombreuses ONG, telles que le CECI ou Oxfam-Québec, ont rapatrié leurs coopérants du Mali. La menace posée par le groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), présent dans tout le nord de ce pays, mais aussi dans d'autres États du Sahel, comme le Niger, rendait leur présence trop périlleuse.

L'histoire leur a donné raison : en novembre dernier, une filiale de ce groupe a attaqué le Radisson de Bamako, faisant une vingtaine de morts.

Longtemps, le Burkina Faso a échappé à la menace terroriste. Son président, Blaise Compaoré, qui a dirigé le pays d'une main ferme pendant 27 ans, connaissait tous les chefs des groupes armés, et intervenait régulièrement comme médiateur pour la libération des otages - principale source de financement d'AQMI.

À la fin de 2014, le dictateur a cependant dû fuir le pays, sous la pression de la rue. A suivi une période d'instabilité, durant laquelle les ONG internationales ont monté la garde. Après des attaques contre des villages frontaliers, l'automne dernier, le CECI a décidé de mettre sur la glace l'arrivée de nouveaux coopérants. Oxfam-Québec a ramené ses coopérants du village frontalier de Banfora vers Ouagadougou. Dans la capitale, le mot d'ordre était d'éviter les lieux fréquentés par les étrangers, principale cible d'AQMI.

Ironiquement, les deux ONG étaient sur le point d'alléger ces mesures de sécurité quand le groupe a frappé, vendredi, en plein coeur de la capitale burkinabée.

Le CECI compte une trentaine de coopérants volontaires au Sénégal, 36 au Burkina Faso. Ils soutiennent leurs partenaires locaux dans des projets de développement agricole, de coopératives alimentaires, d'approvisionnement alimentaire des sociétés minières, d'accès à l'eau ou de lutte contre la violence faite aux femmes.

Si l'insécurité continue à s'accentuer dans la région, si les ONG décident de rapatrier leurs humanitaires internationaux, c'est tout un pan de la coopération internationale qui continuera à s'étioler.

Nous n'en sommes pas encore là. Pour l'instant, le Sénégal et le Burkina Faso restent colorés en jaune sur les cartes de l'insécurité - où les zones rouges et orange ne cessent, malheureusement, de prendre de plus en plus de place.

« Aujourd'hui, après les attentats, il est encore plus important de rester sur place », dit Carine Guidicelli, directrice régionale pour l'Afrique du Centre d'étude et de coopération internationale (CECI).

En se retirant, les ONG laisseraient un drôle de message, selon elle, comme s'il n'était plus possible de travailler dans ce pays.

Mais surtout, en privant les jeunes Burkinabés de perspectives de développement et d'emplois, elles laisseraient le terrain libre aux terroristes...

Encore une fois, on n'en est pas encore là. Il est encore possible de rétablir la sécurité au Burkina Faso et d'empêcher que le terrorisme n'atteigne le Sénégal. Possible de protéger les autres pays de la région, exposés mais pas encore frappés par AQMI.

Mais l'étau du terrorisme se resserre sur ce coin du continent africain. Menaçant, entre autres choses, les liens privilégiés qui se sont tissés au fil des ans entre des ONG canadiennes et les pays de la région.