Depuis six jours, l'actualité politique française n'a qu'un prénom à la bouche: celui de Léonarda.

C'est l'adolescente de 15 ans, une Rom d'origine kosovare, qui a été arrêtée mercredi dernier lors d'une sortie scolaire, dans le centre-est de la France. Et expulsée vers le Kosovo, avec ses parents et ses cinq frères et soeurs.

Ce qui a d'abord choqué dans cette expulsion, c'est la manière. L'arrestation d'une élève à bord d'un autobus scolaire, devant ses copains et ses professeurs, a attiré l'attention des médias sur une histoire qui, autrement, serait probablement passée inaperçue.

Dès le lendemain, des lycéens de tout le pays sont sortis dans les rues pour appeler au retour de Léonarda. «La jeunesse n'a pas de frontières, non aux expulsions», clamaient les manifestants, faisant déborder le cas particulier vers une problématique générale. Et poussant François Hollande à sortir de son mutisme.

Sa solution? Permettre à Léonarda de reprendre le fil de ses études en France. Mais à la condition de laisser sa famille au Kosovo.

Dans l'esprit du président, il s'agissait d'un compromis entre deux «valeurs républicaines»: l'humanité et la fermeté. Mais il n'a fait que verser encore plus de kérosène sur le feu qui brûle, entre autres, à l'intérieur de son propre parti.

Car Léonarda a rejeté sa main à demi tendue. Et a réclamé que ses frères et soeurs puissent eux aussi poursuivre leurs études en France.

«Faire choisir entre la scolarité ou la famille, c'est contraire aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme», s'indigne Ivan Dementhon, président de l'Union nationale des lycéens, qui a lancé le bal des manifestations.

Les écoliers français sont actuellement en vacances. Mais leur association appelle déjà à de nouvelles manifestations, le 5 novembre. Son objectif? «Mettre fin à toutes les expulsions de jeunes qui sont scolarisés en France.»

Une jeune fille inconnue il y a une semaine est ainsi devenue le symbole de la politique d'asile française - un sujet radioactif pour les socialistes, qui préfèrent ne pas y toucher. Mais qui est néanmoins en train de leur exploser entre les mains, mettant à nu les divisions abyssales qui déchirent la gauche française sur cette question.

Depuis que François Hollande a mis sur la table sa solution à la Salomon, il a réussi à faire l'unanimité contre lui. Les médias lui sont tombés dessus. «La gauche se désintègre», a titré Libération. «Le fiasco», a renchéri Le Figaro.

Mais c'est chez les socialistes que les critiques font le plus mal. «C'est la première fois qu'on demande à une adolescente de choisir entre sa scolarité et ses parents!», s'indigne le député socialiste Malek Bouthi. Jusqu'au premier secrétaire du Parti socialiste, Harlem Désir, qui a donné son appui à Léonarda.

La bourde présidentielle met en lumière «la fracture profonde du parti socialiste» et la faiblesse d'un président «incapable d'exercer une autorité suffisante pour contrer les forces centrifuges», résume le politologue Gérard Gimbert, interviewé à France Info hier.

Un président qui est aussi pris en étau entre les valeurs traditionnelles de son parti et une opinion publique qui s'oppose, à 65%, au retour de Léonarda.

Le psychodrame des Dibrani comporte ses zones troubles. Le père a menti sur leurs origines. Il est déjà passé devant un tribunal pour violence domestique.

Mais la famille était à moins de trois mois de la limite des cinq années de séjour, au-delà de laquelle les immigrants illégaux peuvent espérer voir leur statut régularisé. Tous ses enfants sont nés à l'extérieur du Kosovo, parlent français, et les plus vieux fréquentent l'école.

Ils sont aussi de parfaits étrangers dans leur pays - où leur mère a été victime d'une agression physique, ce week-end.

Une histoire rocambolesque dont l'histoire retiendra peut-être cette image d'une ado qui défie le président, prolongeant ainsi le supplice auquel celui-ci tentait désespérément de mettre fin.

L'AVIS DES FRANÇAIS

65% s'opposent au retour de Léonarda

77% sont mécontents de la performance de François Hollande comme président