De deux choses l'une. Ou bien les analystes prédisant qu'Israël s'apprêtait à effectuer un spectaculaire virage à droite ont eu tout faux, ou bien leurs sombres pronostics ont causé un tel électrochoc que des électeurs opposés à ce changement de cap se sont massivement précipités vers les bureaux de vote.

Dans les deux cas de figure, le résultat est le même: Benyamin Nétanyahou arrive premier, mais son parti, le Likoud, est en déclin. Ce qui ressort aussi de ce vote, c'est la montée de partis campés plus au centre, ou au centre gauche, ouverts à l'idée d'un État palestinien.

Ces résultats n'annoncent pas de miracles. Mais c'est une moins mauvaise nouvelle que ce que l'on appréhendait. C'est même, pour tout dire, une presque bonne nouvelle.

Allié au parti ultranationaliste du très coloré Avigdor Liebermann, qui a été inculpé pour fraude en pleine campagne électorale, le Likoud a perdu une dizaine de sièges à la Knesset, le Parlement israélien. Hier soir, les premières estimations lui accordaient à peine 31 députés sur les 120 que compte la Knesset.

C'est assez pour pouvoir former un gouvernement. Mais si Nétanyahou se limite à ses alliés naturels, soit la droite religieuse et nationaliste, il atteindra tout juste le seuil de la majorité, 61 députés.

Pas étonnant que dès l'annonce des résultats, «Bibi» ait manifesté de l'intérêt pour la formation d'une coalition plus large, au-delà de la ligne de partage gauche-droite. Il n'a pas vraiment le choix.

Des tas de raisons peuvent expliquer cette dégelée. On peut, entre autres, penser que la «droitisation» du Likoud n'a pas été un choix politiquement rentable pour Nétanyahou. Il faut dire que son parti a écarté les têtes d'affiche les plus modérées de sa liste électorale au profit de personnages douteux tels que Moshe Feiglin, qui propose de régler le conflit au Proche-Orient en offrant 500 000$ à chaque famille palestinienne qui quitterait les territoires occupés par Israël. Et qui s'est illustré en affirmant que «tout comme il est impossible d'apprendre à un singe à parler, il est impossible d'enseigner la démocratie à un Arabe.»

Ou encore Danny Danon, selon qui, pour chaque roquette tirée sur Israël, un quartier entier devrait être anéanti à Gaza...

Ces deux hommes figuraient assez haut sur la liste du Likoud pour réussir à se faire élire. Mais avec les résultats d'hier, leur pouvoir de nuisance sera limité.

L'affaiblissement de Benyamin Nétanyahou était prévisible, même si son ampleur étonne. Mais la véritable surprise de ce scrutin est ailleurs: dans la popularité inattendue du parti de l'ex-présentateur vedette de la télé israélienne, Yair Lapid, qui s'est classé deuxième, avec 19 députés.

Lapid représente tout ce qu'Israël a d'urbain, laïque et de cosmopolite. Et il soutient clairement un retour à des négociations pour la création d'un État palestinien. Contrairement aux messages vides et vaguement mégalos de Benyamin Nétanyahou, Yair Lapid représente l'espoir. Traduit en français, le nom de son parti signifie d'ailleurs «Il y a un futur...»

C'est tout le contraire de Naftali Bennett, roi du high-tech, fervent défenseur des droits des colons et leader du tout nouveau «Foyer juif». «La plupart d'entre nous savent que certaines choses n'arriveront jamais. Il n'y aura jamais de nouvelle saison des Sopranos. Et il n'y aura pas de plan de paix avec les Palestiniens», se plaît-il à dire.

Un de ses compagnons politiques a déjà diffusé une vidéo simulant l'explosion du Dôme du Rocher, lieu saint de l'islam, pour le remplacer par le Troisième Temple de Jérusalem...

Les sondages électoraux laissaient croire que ce parti allait gruger le vote du Likoud et pousser tout Israël vers la droite, pulvérisant les derniers lambeaux d'espoir d'une paix négociée avec les Palestiniens.

Mais «Foyer juif» est arrivé en quatrième position, avec une douzaine de députés. On est loin, très loin, du raz-de-marée.

Une autre surprise de cette journée qui n'en manquait pas, c'est le taux de participation au vote, 63%, soit le niveau le plus élevé depuis 1999. Particulièrement dans les circonscriptions réputées pencher à gauche. Tout porte à croire que les sondages, en annonçant une victoire sans précédent de la droite extrémiste, ont contribué à sa déconfiture.

PHOTO NIR ELIAS, REUTERS

La véritable surprise des élections israéliennes aura été la popularité inattendue du parti de l'ex-présentateur vedette de la télévision, Yair Lapid, qui s'est hissé au deuxième rang, avec 19 députés.