C'était le 20 janvier 2009, sur la longue esplanade qui se déploie devant le Capitole. Des centaines de milliers de gens avaient afflué de tous les coins des États-Unis pour assister à la prestation de serment de Barack Obama. Certains avaient roulé depuis la veille, se contentant de dormir quelques heures dans leur auto. D'autres attendaient depuis l'aube, emmitouflés dans leurs couvertures. Rien ne les aurait empêchés de vivre cet événement unique: l'accession du premier président noir à la Maison-Blanche.

Dans la foule, il y avait des gens de tout âge et de toute couleur. Avec une forte concentration d'Afro-Américains, du moins dans mon coin du Mall. Exaltés, ils parlaient d'espoir, de changement, de revanche symbolique sur les plaies de l'Histoire.

Quand Barack Obama avait lancé son «So help me God», accédant ainsi officiellement à la présidence, il y avait eu un instant de silence, suivi d'une explosion de rires et de larmes. «Je suis les yeux de mes ancêtres», avait lancé une enseignante noire, à côté de moi. Une phrase qui résumait bien le sentiment général, en ce jour historique.

En suivant la cérémonie de prestation de serment, hier sur CNN, je n'ai pu m'empêcher de repenser à cette femme, et de me demander quel jugement ses ancêtres porteraient sur les quatre années de la présidence d'Obama. Sans doute seraient-ils vaguement déçus de constater que la discrimination raciale fait toujours des ravages, que les inégalités économiques n'ont pas disparu, et qu'au contraire, elles se sont plutôt creusées. Peut-être lui reprocheraient-ils aussi d'avoir manqué de courage politique et d'avoir trop dilué ses réformes, pour éviter la collision frontale avec les républicains.

Mais sans doute seraient-ils aussi contents que Barack Obama ait été réélu pour un deuxième mandat. Et peut-être imagineraient-ils que cette fois, il ferait mieux...

Barack Obama 2.0 sera-t-il vraiment plus affirmé et moins pusillanime que celui du premier mandat? Si l'on se fie au ton de son deuxième discours inaugural, on peut croire que oui. C'est en tout cas ce que conclut Politico, influent journal de Washington. «Beaucoup moins sombre, un peu plus combatif et beaucoup plus impatient qu'il y a quatre ans, le président Barack Obama a profité de son discours pour appeler le pays à l'action», écrit-il dans une analyse publiée hier.

La façon dont il a manoeuvré dans deux crises récentes renforce cette impression. D'abord, la crise budgétaire. À la fin du mois de décembre, Barack Obama a réussi à faire approuver des hausses d'impôt pour les contribuables gagnant plus de 400 000$ par année. Il a bien fait un compromis avec les républicains, mais seulement sur le seuil à partir duquel cette hausse serait appliquée - pas sur la hausse elle-même. C'est tout un contraste avec décembre 2010, alors que le psychodrame du «précipice fiscal» s'était soldé par une débandade d'Obama et par le maintien des allègements fiscaux de George W. Bush.

L'autre crise, c'est celle de la fusillade de Newtown. En annonçant sa nouvelle politique de contrôle des armes à feu, mercredi dernier, Barack Obama a résisté aux pressions de la NRA, tout-puissant lobby des armes, et a fait preuve d'une détermination qu'on lui a rarement vue.

Dans sa version 2013, Obama serait donc moins mou, moins naïf et plus efficace? Attendons avant de nous réjouir. Le «nouveau» Barack Obama fait toujours face à une majorité de républicains à la Chambre des représentants. Réussira-t-il à les convaincre de légaliser le statut des 11 millions d'immigrants illégaux qui vivent sous la menace de l'expulsion? À adopter de grands pans de sa politique de contrôle des armes à feu, qui exigent leur approbation? À réagir au dérèglement climatique auquel la droite républicaine ne croit toujours pas? Réussira-t-il à traverser la prochaine étape de ses démêlés budgétaires, au printemps?

Ça reste à voir. Mais on peut l'espérer. D'un espoir plus timide, moins exalté qu'en 2009. Mais qui n'en reste pas moins un espoir.