Après la dégelée de 4-2 subie dimanche dernier à Vancouver, ce n'est pas Guy Carbonneau qui s'est présenté devant les journalistes, mais son fantôme.

Sa voix chevrotait. Elle était éraillée. À bout de nerfs, les traits tirés, Carbo, devant la série d'insuccès des siens, était incapable de cohérence.

La tête ailleurs, la tête préoccupée par mille pensées, plus Carbo parlait, plus les mots se bousculaient et sortaient tout croches. La confusion était totale et Carbo faisait pitié.«Je suis sans solution», a-t-il fini par conclure.

Puis mercredi, à Washington, enfin privé de Kovalev, après «l'honorable» défaite de 4-3 du Canadien subie en fusillade, Carbo, stoïque, s'est cette fois présenté devant les journalistes avec de gros cernes sous les yeux.

Blême, les déclarations de Jean Perron à l'effet que trois de ses joueurs étaient sur le gros party l'avaient visiblement chamboulé.

Laconique, la réponse facile: «Jean Perron vient de perdre tout le respect que j'avais pour lui.» Ceux qui savent décoder le langage corporel n'ont pas pris de temps à se rendre compte que Carbo avait un urgent besoin d'aide.

Et ceux qui n'ont pas encore appris à analyser ce type de langage n'ont qu'à examiner son travail derrière le banc lors des deux derniers matches du Canadien, celui disputé à Washington mercredi et à Pittsburgh, hier, pour se rendre compte que Carbo est présentement tout croche.

Kostopoulos, Stewart et Lapierre qui y vont d'une longue présence sur la glace durant la prolongation disputée à Washington, ça n'a pas de bon sens.

Kostopoulos, Stewart et Lapierre, hier, qui sont envoyés dans la mêlée après le but DE Schneider réussi durant un avantage numérique de deux hommes (au fait, Schneider a été -4 hier) alors que le Canadien profite toujours d'un avantage numérique, ça aussi ça n'a pas de bon sens.

Schneider, à 39 ans, qui est utilisé 27 minutes à Washington, et 24 minutes à Pittsburgh, c'est aussi tout croche.

Les temps d'arrêts, si utiles à une équipe qui a besoin de se regrouper, de se calmer, de se remémorer les choses à faire et à ne pas faire, ces temps d'arrêts si nécessaires en fin de match et qui ne sont jamais appelés par le Canadien, indiquent bien que Carbo, Muller et Jarvis sont actuellement complètement dépassés.

Et puis voilà que mes collègues de La Presse nous arrivent avec cette fracassante nouvelle à l'effet que trois joueurs du Canadien, les frères Kotstitsyn et Hamrlik, entretenaient des liens privilégiés avec Pasquale Mangiola, un des principaux suspects arrêtés dans l'opération Axe et présentement accusé de six chefs d'accusation, dont celui de trafic et de possession de cocaïne, de complots et de port d'armes illégal.

Ne vous faites pas d'illusions, la grosse machine du Canadien grince actuellement de partout. Et en cette année du centenaire, les gestionnaires de crise auront fort à faire pour gérer cette crise pas du tout ordinaire.

Pas étonnant que Bob Gainey ait tenu à rencontrer le suspendu Alex Kovalev, mercredi, dans le Vieux-Montréal.

Pas besoin d'être un devin pour imaginer le genre de conversation qu'a dû tenir Gainey.

Kovi, on est dans le trouble. J'ai besoin de toi. J'ai besoin de ton leadership. Deux de tes compatriotes sont présentement dans la merde jusqu'au cou. Tu as manifesté le désir de rester à Montréal, soit. Tu réintègres l'équipe vendredi et samedi, tu seras peut-être de l'alignement partant contre les Sénateurs. Conduis-nous en séries et je te jure que tu ne le regretteras pas. Je te demande juste de jouer comme on te le demande.

Bob Gainey a toujours dit qu'il dirigeait son équipe comme un père dirige sa famille. À cet égard, Gainey a du vécu. Et a connu plus que sa part d'ennuis. Les frasques de trois de ses joueurs ne sont que le prolongement des épreuves qu'il a dû traverser tout au cours de sa vie.

Gainey réussira-t-il maintenant à recréer à temps harmonie et discipline au sein de sa troupe? Il faut l'espérer. Avec la maigre récolte de trois points sur une possibilité de 12 amassés au cours des six derniers matches de l'équipe, tous disputés à l'étranger, avec le classement qui se resserre, et Carbo qui n'est plus là, j'ai bien peur que le temps ne finisse par manquer.

Au fond, Gainey n'a que lui à blâmer.

Jean Perron, ancien entraîneur du Canadien et détenteur d'une Coupe Stanley, lui a téléphoné pour tenter de l'informer de ce qu'il savait sur la façon éhontée de se conduire de quelques uns de ses joueurs. Mais Gainey n'a jamais daigné le rappeler, se contentant d'exiger de Donald Beauchamp, le relationniste de l'équipe, de s'enquérir de ce qu'il voulait.

Gainey a toujours boudé et regardé de haut les membres des médias. Une espèce de mépris qui n'a pas sa raison d'être. Il y a quelques années, alors qu'il dirigeait les Stars et que son équipe disputait une série à l'Avalanche, il m'avait donné rendez-vous à sa chambre d'hôtel. À l'heure dite, Gainey n'y était pas. J'ai fait le pied de grue devant la porte de sa chambre durant deux heures et demie avant qu'il ne se pointe enfin. Surpris de m'y voir encore, sans s'excuser, il m'avait finalement accordé une entrevue du bout des lèvres. Pas grave. Avec les années, je m'étais habitué à ce genre de profonde indélicatesse. Vous savez, dans le merveilleux monde du sport, les règles du savoir-vivre ne sont pas toujours de mise.

Quoi qu'il en soit, cette attitude hautaine et irresponsable vient aujourd'hui hanter Gainey. En homme respectueux et responsable qu'il devrait être, s'il avait retourné l'appel de Perron, peut-être aurait-il pu désamorcer à temps la bombe qui aujourd'hui plonge toute l'organisation du Canadien dans l'embarras.

Pauvre Canadien.

Pauvre Gainey.

Mais surtout pauvre Carbo.

L'homme semble avoir perdu tous ses paramètres et dans la tourmente qui secoue le Canadien, personne actuellement ne semble en mesure de lui prêter main-forte.

En cette année du centenaire, c'est grave ce qui se passe chez le Canadien présentement. Et avec le temps qui commence à manquer... Please, wake up quelqu'un...