Pékin n'a pas d'eau potable. Enfin, potable, oui, mais après avoir été bouillie. Pas besoin de préciser, donc, que ceux qui en ont les moyens achètent de l'eau en bouteille.

Gao Lijun, lui, n'achète pas d'eau. Il la porte chez ses clients. Avec son triporteur, il fait partie de cette armée de livreurs qui désaltèrent les gorges sèches de la capitale.

Pas facile comme boulot. Il travaille sept jours sur sept, de 8h à 21h. «Mais je dis aux clients que je finis à 20h, ce qui me permet de finir plus tôt», confesse-t-il.

Tous les jours de la semaine, il livre une bonne trentaine de bonbonnes de 18,9 litres. La fin de semaine, c'est un peu plus calme: une vingtaine de clients peut-être. Le prix de l'eau: 16 yuans, soit environ 2,50$ la bonbonne.

Mais attention, cette somme est loin d'être ce qui va dans ses poches. Non, lui, c'est un yuan par bonbonne livrée. Autrement dit, 15 cents qui aboutissent dans son porte-monnaie. En tout, il calcule qu'il fait quelque entre 950 et 1000 yuans par mois, soit moins de 150$.

Lijun n'est pas seul dans la vie. Il a laissé femme et enfants chez lui, dans la province du Shandong, au sud de la capitale. Chaque mois, la moitié de son pactole s'en va là-bas. Il lui reste donc 75$ par mois. Il est nourri et logé par son employeur.

Au Shandong, sa femme cultive la terre et élève sa fille de 6 ans et son petit garçon de 2 ans. «Je les appelle chaque semaine. Je pense souvent à eux», dit-il, avec son sourire Colgate et ses cheveux fins bien peignés.

Il pense à eux, mais il ne les voit pas souvent. L'an dernier, il est allé une fois à Tai Shan, pendant la fête du Printemps. Il s'est offert une autre visite cette année, au mois de mai. Ce n'est pourtant pas parce que c'est bien loin, à peine six heures de train contre une douzaine de dollars. Mais il doit travailler...

Des porteurs d'eau comme Gao Lijun, la compagnie Shui Wang Zhong Guo en embauche 3700 à elle seule à Pékin. Ces travailleurs - dont les conditions ressemblent à celles de dizaines de milliers d'employés de la construction - viennent pour la plupart de provinces entourant la capitale. «On fait affaire avec des agences de placement dans les différentes provinces», explique le gérant Zhang Peng dans son bureau situé au sud de Qianmen.

Il y a même quelques porteurs qui sont des porteuses. «La bonbonne d'eau est très lourde. C'est bon pour la santé et aussi bon pour gagner de l'argent.»

Il n'y a pas longtemps, Lijun a appris à ses dépens qu'il était à la merci de son employeur. Un gros contenant de plastique valant 50 yuans (7,50$, payés en dépôt par les clients) a disparu et son patron a pensé qu'il en était responsable. La porte. Il est donc allé vendre des fruits dans la rue. Mais c'était sans compter sur la folie préolympique, qui veut que toute la ville soit propre, propre, propre. Nettoyée même de ses vendeurs de fruits. Les denrées ont été saisies et Lijun a perdu 400 yuans dans l'aventure.

Finalement, son patron a reconnu qu'il n'avait pas volé la bouteille. Lijun a donc pu retourner à son tricycle et reprendre son métier, celui de porteur d'eau.

SUR MON BLOGUE CETTE SEMAINE

Lundi

Pékin, le New York du XXIe siècle

Deux publications importantes y vont d'analogies similaires: le New York Times et le Vanity Fair font l'éloge de l'architecture de Pékin, la comparant à celle du New York d'il y a 100 ans. Parmi les projets remarquables, il y a le nouveau terminal de l'aéroport, le stade principal des Jeux (le «Nid d'oiseau»), le Centre des arts de la scène («l'Oeuf») ou le nouvel édifice de la télé d'État.

Mardi

Souffrez-vous du syndrome de la carte postale?

Le syndrome de la carte postale, c'est quand on n'est pas capable de recevoir d'autres infos que celles qu'on connaît déjà.

Alors voilà, je nous pose la question, parce que je m'inclus aussi là-dedans: est-on prêt à recevoir d'autres informations sur la Chine que celles qui vont nous conforter dans nos idées reçues?

Jeudi

Une autre victoire des internautes chinois

Le nouvel édifice du gouvernement provincial à Chengdu a provoqué la colère de certains internautes, qui se sont plaints de son coût élevé (180 millions de dollars).

En plus, les dirigeants locaux, selon ce qui s'est écrit sur le Net, ont eu le malheur d'y emménager trois jours après le séisme qui a fait quelque 70 000 morts. La révolte des internautes a forcé les autorités locales à mettre en vente leur palais.