L'ironie, c'est que sans la controverse qui l'a entouré, le passage de Paul McCartney à Québec n'aurait jamais provoqué pareil rayonnement médiatique.

Près d'un millier d'articles et de reportages web, radio et télé ont été recensés à l'extérieur du Canada, au lendemain de la prestation de l'ex-Beatle dans la Vieille Capitale, selon Influence Communication. Mais il y a eu deux fois moins de couverture médiatique du spectacle que de la controverse qui l'a précédé, m'a précisé hier Jean-François Dumas, le président de cette firme spécialisée dans la compilation de données sur les médias.

La plupart des articles et reportages brefs sur le spectacle (d'une moyenne de 75 mots) ont d'ailleurs fait état de la controverse suscitée par le débat sur l'à-propos d'inviter un Anglais à célébrer le 400e anniversaire de Québec, en soulignant que McCartney s'était exprimé en français à la foule venue l'entendre sur les plaines d'Abraham. «N'eût été de la controverse, il n'y aurait pas eu autant de couverture du spectacle», convient M. Dumas.

Depuis lundi, on se félicite sur toutes les tribunes du battage médiatique mondial entourant le concert de Paul McCartney à Québec. Il y a dans cette surexcitation collective, inspirée par le succès incontesté d'un spectacle rondement mené par une icône de la musique pop, un peu de nos travers, de nos complexes d'infériorité, voire de nos réflexes de colonisés. Surtout, il y a là une surenchère qui tient presque de la désinformation.

Car qui a dit quoi et où? Les tabloïds anglais se sont moqués de nos excès patriotiques, plusieurs sites internet à l'espace illimité ont fait état de la nouvelle fraîche d'un Macca déclarant autre chose que «Où est le soleil?» dans la langue de Félix Leclerc (à Québec, Sir Paul; pas seulement «dans la tête»), mais peu de journaux de référence ont jugé la nouvelle assez intéressante pour y consacrer même une brève.

Je n'ai trouvé dans la banque de données Eureka, qui répertorie des articles de plus de 500 sources d'informations internationales parmi les plus pertinentes (Le Monde, The New York Times, The Daily Telegraph, etc.), qu'une poignée de textes de quotidiens faisant référence au spectacle de dimanche.

Quelques lignes puisées dans les dépêches des agences de presse AP et AFP, consacrées pour l'essentiel à la controverse, dans Le Figaro, L'Orient-Le Jour de Beyrouth, Le Soir de Bruxelles et La Tribune de Genève. Un papier du même type, hier dans Libération. Un autre dans The Independent, résumait «l'affaire» en termes plus ironiques.

«McCartney aurait dû proposer de reporter le spectacle à l'an prochain, pour souligner le 250e anniversaire de la victoire du général Wolfe. Même le plus chatouilleux des Québécois aurait alors accepté qu'il vienne cette année, en hommage à ce qui est, dans n'importe quelle langue, l'une des plus belles villes du monde».

«Ce ne sont pas toujours des journaux majeurs qui en parlent», précise Jean-François Dumas. Sans avoir les moyens d'Influence Communication - capable d'évaluer que seulement 12 % de l'auditoire «exposé» à la nouvelle de la controverse l'a été à celle du spectacle de McCartney -, m'est avis que le rayonnement médiatique du concert de Sir Paul à Québec a été largement exagéré.

On ne m'en voudra pas de prendre avec une pincée de sel, et une tasse de scepticisme, l'estimation hier par la Société du 400e anniversaire de Québec que le spectacle de McCartney a touché «plus de 200 millions de personnes» grâce à sa couverture médiatique internationale.

À moins de confondre le London Free Press (Ontario) et le Guardian (de Charlottetown) avec des quotidiens de Londres, ou de croire que Radio-Canada a un auditoire de plusieurs dizaines de millions de téléspectateurs en Asie du Sud-Est, on est loin du compte et du tsunami médiatique annoncé. Plutôt dans l'enflure médiatique estivale, si vous voulez mon avis.

Paul McCartney a beau être l'idole d'une génération, il a beau avoir un répertoire inépuisable, il a beau se faire rare sur scène et avoir livré un concert mémorable, le rayonnement international de son spectacle a été sans commune mesure avec la couverture locale, aux proportions parfois gênantes, de son passage au Québec.

Où est le soleil? À Québec. Et dans la tête. Pas dans 200 millions de têtes partout sur la planète. Paul McCartney n'a pas marché sur la lune dimanche. Il a juste chanté Hey Jude. Pour certains, semble-t-il, c'est du pareil au même.