Depuis que Fredy Villanueva a été tué par un policier, lors d'une altercation au parc Henri-Bourassa, les oreilles de la section du renseignement de la police de Montréal sont grandes ouvertes. Et les bruits entendus ne sont pas rassurants.

Selon ce que j'ai pu apprendre, hier, la police de Montréal a eu vent, lundi, de ses informateurs à Montréal-Nord, que certains éléments criminels voulaient venger la mort du jeune Villanueva en tuant un policier.

Aucun policier en particulier n'était ciblé par les dires des informateurs de la police.

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Pris au sérieux

L'information est prise au sérieux par les dizaines de policiers affectés à Montréal-Nord ces jours-ci, et qui proviennent d'un peu partout dans l'île. Le résultat net, c'est que l'information explosive a mis les agents de terrain, les «bleus», sur les dents.

Certains policiers, depuis, ramènent à la maison leur arme de service pour se prémunir d'une attaque. La pratique n'est pas courante: d'ordinaire, les agents du SPVM laissent leur arme au bureau. Pour la traîner sur eux, en civil, ils doivent obtenir une permission de leurs supérieurs. Ces jours-ci, plusieurs le font. Sans permission.

Pourquoi cette crainte d'attaques sur les policiers? Outre la situation extrêmement volatile qui prévaut à Montréal-Nord, dans la foulée de la mort de Fredy Villanueva, deux incidents incitent les policiers à prendre la menace de représailles au sérieux.

Premièrement: dimanche soir, pendant l'émeute qui a secoué Montréal-Nord, une policière a été atteinte par un projectile d'arme à feu, alors qu'elle était postée dans le secteur de la rue Pascal et du boulevard Rolland, avec un détachement de policiers en tenue de combat, non loin des voitures de pompier en flammes.

On a d'abord cru que la policière avait été atteinte à la jambe par un objet lancé par les émeutiers. Mais à l'hôpital, c'est une balle d'arme à feu qu'on a trouvée dans sa jambe.

Deuxièmement: en 2007, un policier du poste de quartier (PDQ) 39, qui couvre Montréal-Nord, s'est fait tirer dessus, alors qu'il rentrait tranquillement à sa résidence, dans ce même secteur. Un suspect, membre d'un gang de rue, a été arrêté. Mais il a été acquitté en juin, la juge au procès pour tentative de meurtre ayant décidé qu'un doute raisonnable planait sur l'identification du suspect.

Ajoutez à cela que, quotidiennement, des éléments criminels défient les policiers de Montréal-Nord, et vous avez des agents qui sont convaincus qu'une attaque sur un policier en réponse à la mort de Fredy Villanueva n'est absolument pas du domaine de la science-fiction.

J'ai appelé le SPVM, hier, pour obtenir des commentaires. Je n'en ai pas obtenu.

J'ai aussi appris que plusieurs «bleus» sont insatisfaits des réponses de leurs patrons à ce qu'ils qualifient d'affronts inacceptables de la part de jeunes criminels du «hood». Selon eux, «le service», comme ils désignent le SPVM, aurait dû réagir fortement à quelques incidents perçus comme des défis à l'autorité de la police.

Parmi ces incidents: l'affaire du policier qui s'est fait tirer dessus en 2007, alors qu'il rentrait chez lui, bien sûr. Mais également l'affaire, non résolue, d'une voiture de patrouille dont la glace a été pulvérisée par un projectile d'arme à feu, au printemps. Sans oublier une bagarre dans un parc du quartier entre petits filous et policiers, ainsi que de nombreux cas de «meute de loups», le terme employé quand des policiers sont encerclés par des voyous en surnombre.

Action, réaction

Comment réagir à ces «défis»? Un policier m'a offert une anecdote: «J'ai déjà travaillé dans un PDQ où des criminels nous défiaient comme ça. La réponse a été décrétée par un commandant: on ne laisse plus rien passer.»

Traduction: un revendeur se fait coller un «ticket» s'il traverse la rue (il faut traverser aux passages à piétons, dans les intersections); un membre de gang dont le permis de conduire est périmé se fait coller dès qu'il embraye son véhicule par un agent qui passait là «par hasard»; un autre voyou est arrêté pour avoir troublé la paix, sous prétexte qu'il a crié dans la rue.

Le message envoyé aux petits criminels est ainsi clair et net, pour les policiers: si vous nous défiez, si vous nous narguez, si vous nous attaquez, nous allons vous rendre la vie très, très difficile. Action, réaction.

«Et dans Montréal-Nord, me raconte cet agent, des policiers trouvent que la réponse aux incidents n'a pas été suffisamment forte.»

En fait, me dit-il, un peu sarcastique, le Service a offert une réaction dans Montréal-Nord. Une note de service du directeur du SPVM, envoyée mercredi aux agents, dit que le commandant du poste 39 a mis fin à ses vacances. «Et que 12 agents sociocommunautaires vont faire du porte-à-porte pour parler aux gens...»

En fait, c'est un petit choc des cultures qui divise présentement les policiers affectés à Montréal-Nord, après la mort du jeune Villanueva, l'émeute et les menaces de revanche interceptées. D'un côté, les tenants de la ligne dure. De l'autre, les partisans de la conciliation. Et cette ligne de rupture cause des tensions entre les «bleus», me dit-on.