Comment se fait-il que Québec réussisse là où Montréal échoue? Je posais la question lundi, après avoir passé le week-end dans la Vieille Capitale qui s'est refait une beauté.

Ma chronique s'appelait Jalouse de Québec. On aurait pu croire que j'y parlais surtout de Québec. Mais en fait, j'y parlais surtout de Montréal. En regardant Québec, je voyais tout ce que Montréal n'était pas, en matière de planification urbaine et de qualité de l'aménagement. Dans les rues de Québec, l'absence de vision à Montréal devenait plus visible.

Quelques Montréalais m'ont trouvée injuste. Québec n'est pas comparable avec Montréal, ont-ils répliqué. Québec a le fric et les fonctionnaires à portée de main qui le distribuent, disent-ils. Québec est tout petit. Québec est trop blanc. Québec est à droite. Il n'y a pas que l'architecture et l'urbanisme qui fassent une ville. À Montréal, c'est peut-être sale et tout croche, mais au moins, il y a de la vie. La beauté de Montréal est ailleurs.

À l'autre bout de la 20, quelques lecteurs m'ont reproché au contraire d'avoir été condescendante avec Québec. Réaction prévisible comme la pluie un jour d'orage. Si les médias montréalais ne parlent pas de Québec, on leur reproche d'être snobs. S'ils en parlent, on leur reproche d'être condescendants. Peu importe ce qu'ils font, une chose est sûre, ils ont toujours tort. Imaginez en plus si je n'avais pas aimé mon week-end.

Cela dit, mon intention n'était pas de dénigrer Montréal, que j'aime malgré tout. L'idée n'était pas non plus d'alimenter la guéguerre Québec-Montréal, qui est surtout l'affaire de Québec, en fait. C'est comme la guéguerre Toronto-Montréal. Toronto n'est pas au courant...

Au-delà de la guéguerre, donc, il s'agit avant tout de réfléchir tout haut sur ce qui peut être fait pour sortir Montréal de sa torpeur, de son je-m'en-foutisme de magnifique perdante, de son manque de vision.

La chronique a suscité une avalanche de courrier. Plusieurs lecteurs ont posé leur propre diagnostic et proposé quelques remèdes. La plupart s'entendent pour dire que Montréal n'est pas au meilleur de sa forme. Mais tous ne s'entendent pas sur la nature du mal et sur le traitement à adopter.

Pour certains, le problème en est surtout un d'argent et non de volonté politique. «Croyez-vous, sincèrement, que Montréal obtient du gouvernement l'argent nécessaire pour entreprendre ses grands projets?» demande un lecteur. «Montréal est le moteur économique du Québec, mais on refuse de le reconnaître à l'autre bout de la 20.»

D'autres blâment avant tout «le manque flagrant de vision et de leadership» de cette ville où on peut construire n'importe quoi n'importe où. «On laisse pourrir le silo numéro 5 en plein quartier touristique, on végète quant à la construction d'un hôpital au centre-ville, on laisse Ville-Marie à découvert en bien des endroits et on propose même d'infliger une nouvelle plaie ouverte en creusant une tranchée rue Notre-Dame, coupant une fois de plus la population d'un potentiel accès au fleuve. Pendant que les grandes villes enterrent leurs horreurs, Montréal les expose et les annonce même en grande pompe.»

Bien sûr, la gestion de Montréal est plus complexe que celle de Québec et ses groupes d'intérêt «très diversifiés», souligne un autre lecteur. «J'ai cependant parfois l'impression qu'un excès d'esprit démocratique politicien qui consiste à vouloir faire plaisir à tout le monde et à son père peut devenir dans une ville comme Montréal un frein à son évolution et contribuer à un éclatement du leadership.» Et le fouillis bureaucratique fusion-défusion complexifie le casse-tête encore plus. L'émergence d'identités d'arrondissement, positive pour le citoyen au jour le jour, «s'accommode mal d'une vision commune».

Pour d'autres, le problème de Montréal, c'est parfois aussi les Montréalais, qui ont peu de respect pour leur ville. «Nous avons installé une soixantaine de bacs à fleurs au Quartier latin au début du mois de juin, m'écrit Claude Rainville, de la Société de développement du Quartier latin. Une vingtaine ont été renversé depuis et nous avons dû les remplacer... Qui peut bien éprouver du plaisir à endommager des plantations de fleurs?» La fierté a une ville, disait le vieux slogan. Plus maintenant.

Que faire? Un lecteur de Québec croit qu'il faudrait lorgner du côté de Projet Montréal. «Votre projet urbain, structuré et cohérent, qui pourrait donner une nouvelle impulsion à Montréal et lui redonner ce petit quelque chose qui en fait une grande ville, est là» dit-il.

Et si on laissait plus de temps à Gérald Tremblay? plaide plutôt un autre lecteur. «Souvenons-nous que le grand patron de la métropole québécoise a hérité d'une ville dans un bien piètre état», dit-il. «Depuis qu'il est à la tête de l'administration municipale, la Ville de Montréal est devenue un grand chantier de construction», ajoute-t-il, en faisant valoir que Gérald Tremblay est bien plus audacieux que Jean-Paul L'Allier l'a été à Québec.

La proposition la plus farfelue? Un lecteur propose de ramener Pierre Bourque à la mairie. J'ai d'abord cru que c'était une blague. Mais il était très sérieux, vantant les mérites de l'ex-maire «profondément amoureux de sa ville». «Sous son règne, Montréal avait recommencé à renaître, écrit-il. Des quartiers s'étaient rebâtis, de grands projets avaient vu le jour. Sa formation d'horticulteur y était pour beaucoup. C'était un jardinier visionnaire. Et Montréal s'en portait bien. Mais, depuis 2002, Montréal a comme maire un administrateur. Et ça paraît.»

C'est quand même drôle de vanter la «vision» de Pierre Bourque alors que sa conjointe, Francine Lambert, vient de plaider coupable à des accusations de manoeuvre électorale frauduleuse pour Vision Montréal pendant les élections de 2005. Rappelons-nous que Pierre Bourque était aussi responsable du financement de son parti. Frauder pour diriger la ville, est-ce donc cela la vision de Vision Montréal?

Et puis, rappelons quand même que Pierre Bourque était allergique à la consultation publique et approuvait tout et n'importe quoi comme projet, sans aucune cohérence. «Jardinier visionnaire»? Si vous trouvez ça visionnaire de donner le feu vert à un projet de condos sur le flanc du mont Royal, peut-être. Mais ce n'est pas tout à fait ce que j'entendais par «vision». J'y reviendrai