Où emmener un touriste qui n'a qu'une heure à Montréal? La question me trotte dans la tête depuis que j'ai entendu le ministre Raymond Bachand dire, la semaine dernière, que si on n'avait qu'une heure à passer avec un étranger dans 10 ans, il faudrait l'emmener voir le Quartier des spectacles.

Et moi, aujourd'hui même, si sonne à ma porte un touriste pressé, je lui montre quoi? Bonne question, comme disent ceux qui n'ont pas de réponse.

Rendre justice à Montréal en 60 minutes relève du casse-tête.

Cette ville a beau être fabuleuse et émouvante pour qui la connaît, elle n'est pas de ces cités monumentales et foudroyantes qui enchantent au premier coup d'oeil. Paris en une heure, Rome en une heure, New York en une heure, ce n'est pas trop compliqué. On a l'embarras du choix pour séduire à tout coup.

Mais Montréal? Ce n'est pas une ville à admirer. C'est une ville à aimer en mangeant, en marchant, en y vivant surtout. Ce qu'on y voit importe moins que ce qu'on y vit. D'où le défi, en si peu de temps. On ne peut pas dire au visiteur, entre deux nids-de-poule: «Regarde ici, à ta gauche, c'est l'âme de Montréal».

Des sources généralement bien informées me disent que, dans certains milieux, on a coutume d'envoyer le voyageur d'affaires qui n'a qu'une heure ici directement au bar de danseuses. Tout Montréal est là, vous diront-ils. Peut-être pas son âme, mais au moins son corps. C'est une façon de voir les choses. Ce n'est pas la mienne.

Mon mode d'emploi bien personnel pour touriste pressé ? Le voici :

Règle numéro un: faire manger le touriste. C'est un vieux truc mille fois éprouvé. Son ventre se souviendra de Montréal pour ce qu'elle fait de mieux.

Règle numéro deux: miser sur des valeurs sûres. Non, le Stade olympique n'est pas une valeur sûre, si vous n'avez qu'une heure. Ne vous en approchez pas trop.

Il est plus beau de loin, comme une soucoupe volante posée à l'horizon.

Si je ne sais rien de mon touriste d'une heure, je miserais d'emblée sur le mont Royal. Parce qu'il est au coeur de la ville et en même temps hors de la ville. J'irais d'abord acheter des croissants pur beurre au Paltoquet, avenue Van Horne, et proposerais à mon invité de les déguster au sommet, en admirant Montréal de haut.

D'un seul coup d'oeil, on y embrasse tout : les gratte-ciel et le fleuve, la vie et la ville, les joggeurs et les flâneurs.

Si le mont Royal ne l'intéresse pas, je remonterais avec lui le boulevard Saint-Laurent qui raconte l'histoire de Montréal mieux que n'importe qui. Si c'est un fan de Leonard Cohen, je m'arrêterais devant sa maison, dans le carré portugais, en espérant, qui sait, le croiser. Plus au nord, je ferais ensuite un premier crochet rue Fairmount pour attraper un bagel chaud et un deuxième rue Saint-Viateur pour le latté. Là, je lui proposerais d'égrener les minutes qui lui restent à la terrasse du Olimpico ou du Club social italien et d'y observer la faune montréalaise.

S'il n'aime pas le café, j'irais plutôt lui faire faire une tournée express du Plateau-Mont-Royal. S'il se préoccupe peu de son taux de cholestérol, je lui proposerais une poutine à la Banquise, rue Rachel, ou encore la version décadente au foie gras du Pied de Cochon, rue Duluth. Puis, on irait flâner un peu dans le coin de l'avenue Laurier Est, s'arrêtant au Byblos pour y boire un thé à la menthe, assis à la fenêtre.

S'il est américain, je l'emmènerais dans les rues du Vieux-Montréal, m'assoirais quelques minutes à la place Jean-Paul Riopelle, puis lui proposerais le meilleur brownie en ville, chez Olive et Gourmando, rue Saint-Paul.

S'il est très affamé, je lui proposerais une crème glacée au chocolat noir du Havre aux glaces du marché Jean-Talon, après avoir pris une bouchée au meilleur syrien en ville, Le Petit Alep, rue Jean-Talon, ou au meilleur libanais, Daou, un peu plus au nord, rue Faillon.

S'il m'énerve, je l'abandonnerais lâchement dans un resto attrape-touriste de la place Jacques-Cartier. On y a l'embarras du choix.

Et s'il n'a pas faim? Je suis cuite. J'attends vos suggestions.