Un homme et une femme se rencontrent à une partie de soccer de leur enfant respectif en 2000. Ils sont séparés. Ils tombent amoureux. Jusqu'ici, rien que de très classiques amours du 450.

Sauf que ce sont des amours au temps du sida. La femme est séropositive. Elle le sait depuis neuf ans. Malgré tout, lors de leur première relation sexuelle, non protégée, la femme ne divulgue pas son état de santé.

C'est ce qui fait que cette histoire s'est retrouvée dans la chronique judiciaire de ma collègue Christiane Desjardins.

L'homme, qui n'a jamais été infecté, a appris l'état de santé de sa nouvelle conjointe un mois plus tard. Après le choc, il semble avoir passé l'éponge : ils ont entrepris une relation amoureuse de quatre ans, pendant laquelle ils ont eu des relations, toutes protégées.

En 2004, le couple rompt. La femme accuse l'homme de l'avoir battue. Il est acquitté et, de son côté, porte plainte contre elle pour cette relation non protégée de 2000.

La femme est déclarée coupable de voies de fait et même d'agression sexuelle (le consentement n'aurait pas été donné si l'homme avait connu son état de santé).

Le juge Marc Bisson a noté mardi que toute l'affaire sentait la vengeance. Il a

infligé une peine de 12 mois de prison, mais avec sursis. La femme est en mauvais état, et une peine de prison ferme, vu les circonstances très particulières de l'affaire, n'était pas indiquée. Il y a, en plus, quelque chose de répugnant à voir un homme qui avait clairement pardonné à sa conjointe se servir de cette arme

des années plus tard.

Mais quoi qu'il en soit, je suis stupéfié de lire la déclaration de Mme Lise Pinault, porte-parole d'une coalition d'organismes communautaires de lutte contre le sida.

Selon elle, vu que « l'acte sexuel est une responsabilité partagée », les séropositifs ne seraient pas obligés de divulguer leur état à leur partenaire.

«Tant qu'il y aura autant de discrimination envers les séropositifs, on n'est pas obligé, a-t-elle dit. Si on ne se sent pas en confiance, on n'a pas à le dire. »

Mauvais conseil. Ne pas le dire, c'est un abus de confiance et, comme vient de le rappeler la cour... c'est un crime. Même si le partenaire n'est pas infecté.

C'est donc un très irresponsable message à envoyer aux personnes séropositives, message qui, s'il est suivi, en plus de mettre à risque leur partenaire, pourrait envoyer ceux qui le suivent en prison. En ce qui me concerne, même dans l'éventualité d'une relation « protégée », cette divulgation devrait

avoir lieu. Mais une relation non protégée ?

Faut-il ajouter que comme stratégie pour faire avancer la cause des personnes séropositives, on pourrait penser à mieux...

Depuis quand le mensonge et l'hypocrisie sont des armes pour lutter contre les préjugés ?

Vincent Lacroix divisé par six

Parlant de prison et de mensonges, qu'adviendra-t-il de Vincent Lacroix, condamné à purger douze ans, peine ramenée mardi à huit ans et demi ?

Comme toute personne condamnée à une première peine de pénitencier pour un crime non violent, il sera admissible à la libération au sixième de sa peine. Ce qui veut dire un an et cinq mois de prison.

Cette mesure extraordinaire, introduite par le gouvernement Chrétien au milieu des années 90, que les conservateurs s'étaient engagés à éliminer, est toujours en

vigueur, contre toute logique judiciaire.

Le Code criminel oblige le juge à faire de la prison un dernier recours. Le juge doit tenir compte des chances de réhabilitation dans le calcul de la peine. Et de toute manière, la libération conditionnelle sera possible au tiers de la peine. Qu'est-ce qui justifie qu'on divise la peine par six ?

Rien, sinon des motifs humanitaires exceptionnels. Jusqu'ici, cette mesure a servi en particulier à des gros trafiquants, des blanchisseurs d'argent, des gens du crime organisé, des mégafraudeurs.

Elle a surtout servi à alimenter le cynisme général. Le public, maintenant, fait le calcul qui s'impose et divise toutes les peines du genre par six, même si elles ont été savamment calculées par un magistrat.

Le sixième est en réalité une usurpation du pouvoir judiciaire, tellement cette mesure ridiculise les sentences prononcées, que ce soit dans les commandites ou des affaires retentissantes de drogue ou de fraude, comme le cas Lacroix – enfin toute première peine de plus de deux ans quand il ne s'agit par d'un crime contre la personne.

Les conservateurs ont annoncé qu'ils mettront fin à toutes les formes de libération quasi automatique, mais jusqu'ici, la règle est encore en vigueur.

Une réforme des libérations conditionnelles est cependant mise en oeuvre en ce moment et, selon ce qu'on nous dit au bureau de Stockwell Day (ministre de la Sécurité publique), ce n'est qu'une question de temps avant qu'on mette fin à cette mesure, du moins dans son aspect quasi automatique.

On ne sait pas encore comment ça se traduira concrètement pour un Lacroix, mais c'est assurément la voie à suivre. Simple question de justice et de crédibilité de la justice.