Il existe un tas de trucs dangereux qu'il ne faut jamais, mais ô grand jamais, toucher comme a) un rond de poêle allumé, b) les drogues dures et c) un film culte comme Cruising Bar.

Pour a), voir Aurore, scène où la marâtre plaque les mains décharnées de l'enfant martyre sur du métal incandescent. Pour b), voir Amy Winehouse au quotidien avec ses cheveux broussailleux, ses dents pourries et son corps rachitique tacheté d'ecchymoses. Pour c), voir Cruising Bar 2 dans un cinéma près de chez vous.

Samedi soir, en syntonisant TVA (une palpitante veillée, non?), j'ai revu pour la 43e fois le premier chapitre de Cruising Bar et je pouvais encore réciter les dialogues par coeur. «Deux martinis-sodas» pour Patrice-le-lion, complètement défoncé à la cocaïne. «Deux autres Hawaiian punchs» pour mononcle Gérard-le-Taureau, assoiffé après deux danses de type continental. Et une Blanche de Bruges extra Tabasco pour Jean-Jacques-le-paon, véritable éteignoir avec ses soporifiques dissertations sur les cigarettes avec ou sans filtre.

Était-ce a) ma pré-adolescence naïve et boutonneuse, b) de la nostalgie galopante qui a brouillé mon jugement critique ou c) les drogues dures (non, je déconne ici), mais j'ai longtemps rigolé en compagnie de Cruising Bar, qui trône toujours dans ma vidéothèque aux côtés de Ding et Dong - Le film, un autre classique du burlesque québécois.

C'est donc avec des attentes aussi élevées que le prix de l'essence que je me suis engouffré au cinéma Quartier latin, mercredi après-midi, pour découvrir où Michel Côté avait propulsé ses quatre personnages près de 20 ans après leur apparition dans notre patrimoine cinématographique.

Ma déception a été brutale et totale. D'abord, réglons le cas du placement de produit peu subtil, comme l'ensemble de Cruising Bar 2, d'ailleurs. Était-ce nécessaire de filmer le slogan des croustilles Yum-Yum et d'ériger une pyramide de papier essuie-tout Bounty dans la scène tournée à la pharmacie? Surtout que cette vignette n'étoffe en rien l'intrigue du film déjà mince comme une feuille de Cottonelle. Et, franchement, la présentation de la Nissan décapotable en ouverture frôle la publicité déguisée. Pas fort. Idem pour les plogues gratuites d'antisudorifique Old Spice et de pilules Adrien Gagnon.

Attaquons maintenant le scénario. Euh, (toussotement gêné), bien, passons plutôt au jeu des acteurs. Pas de doute là-dessus, Michel Côté épate dans ce one man show et ses transformations nous mystifient. Mais où se cachent les acteurs de soutien, si savoureux dans le premier volet? Je pense ici à Geneviève Rioux, Jean-Pierre Bergeron, Louise Marleau, Pauline Lapointe, Roger Léger et Linda Sorgini, qui ont donné de la substance à une production bourrée de calories vides.

Je me console un peu, car cette production ravira le monde écolo : elle est 100% verte et biodégradable. Plutôt que de pondre des nouveaux gags, Cruising Bar 2 recycle ceux de 1989 et les refile à des personnages encore plus pathétiques et plus épais que jamais. Je pense ici à la portion du premier film où Jean-Jacques susurre «tes lobes, tes épaules» à Louise Marleau, répliquée presque exactement, mais avec une jeune poulette trop enthousiaste et un Jean-Jacques plombé par un autre problème typiquement masculin.

Je pense également au célèbre «je suis en santé, je ne suis pas mort, lâche pas mon Gérard», que le Taureau ressort - une autre fois - dans un motel cheapo de banlieue, où il drague des divorcées trop bronzées en manque de sexe. Zéro originalité.

En sortant de la projection, une douleur aiguë me vrillait les tempes comme si j'avais calé 12 zombies. Au moins, avec une cuite, une vraie cuite, on engourdit temporairement nos problèmes. Pas avec Cruising Bar 2, malheureusement.

Je lévite

En retard avec Love Song de Sara Bareilles. Une chanson qui distille des parfums d'été doux et sucrés. À écouter en boucle. Magique.

Je l'évite

Eddie Murphy. Qu'il la prenne, sa retraite, pour qu'on efface enfin Norbit de nos mémoires.