À la mi-février, trois jours après une chute de neige ordinaire pour un hiver montréalais (10 à 15 cm), le service d'autobus de la Société de transport de Montréal (STM) était toujours interdit aux personnes utilisant un fauteuil roulant.

En chemin vers le travail, j'ai pu constater que les arrêts sur les principales artères que je croisais (Sherbrooke, Saint-Laurent, Saint-Urbain, Guy) étaient déneigés. Les trottoirs de ces grandes rues, et même des plus petites, étaient praticables. Alors, pourquoi cette interdiction? Pourquoi tant d'ingérence dans la vie des personnes handicapées?

Vers l'heure du lunch, la STM s'est réveillée et a levé cette interdiction. Bon, merci de nous redonner le droit de bouger! Toutefois, comme par magie, quelques heures plus tard, voilà que le service est encore une fois suspendu pour les personnes qui ont besoin d'utiliser la rampe de l'autobus. Pourquoi? Il est tombé une fine neige en après-midi, puis le tout s'est transformé en pluie parfois verglaçante. Rien qui, selon moi, justifie cette nouvelle interdiction. Les trottoirs étaient toujours aussi praticables, les arrêts des grandes artères que j'ai croisées à mon retour du boulot étaient toujours aussi bien déneigés.

Ma soirée s'est terminée une heure plus tôt que prévu. Ne voulant pas attendre l'heure supplémentaire et peut-être plus, car on ne sait jamais quand le transport adapté va finalement se pointer, voulant me coucher tôt et voulant profiter de l'agréable temps doux, j'ai choisi de sortir, de me mêler à la foule, au vrai monde, et de prendre l'autobus.

Mon trajet était simple. Évidemment, je n'aurais pas pris la décision de «risquer ma vie dans les enfers de l'hiver», aux dires de la STM, si j'avais habité dans un endroit moins achalandé, moins déneigé, moins «piéton friendly». Je partais de l'UQAM (Sherbrooke et Saint-Laurent) et j'allais au métro Sherbrooke: des valeurs sûres.

Donc, j'attends à l'arrêt, l'autobus s'approche. Le chauffeur m'accueille d'un: «Le service est suspendu pour les personnes à mobilité réduite.» Je lui réponds: «Mais il n'y a même pas de neige!» Après avoir levé les yeux au ciel, me faisant comprendre que ce n'était pas son problème, il m'a finalement laissé monter à bord. Au débarquement, toujours pas de trace de neige, tout se passe sans anicroche, le danger extrême qui m'attendait selon la STM ne s'est pas produit. Eh ben.

Je me demande bien de quel droit la STM vient s'ingérer dans ma vie privée quand elle m'ordonne de ne pas utiliser son service même lorsque les arrêts que je souhaite utiliser ne présentent aucun problème lié à la neige. Je peux très bien comprendre que la STM veuille mettre des règles pour protéger son équipement et même ses usagers quand il y a un risque réel. Déployer une rampe sur une montagne de neige, ce n'est pas super. D'accord. Toutefois, interdire le service aux personnes en fauteuil roulant sur tout le territoire desservi par la STM, même trois jours après une chute de neige, je trouve que c'est inacceptable et discriminatoire.

Les arrêts d'autobus sont déneigés en priorité. S'ils ne sont pas déneigés adéquatement, qu'on s'adresse à la Ville pour que ce soit mieux fait, mais qu'on n'emprisonne pas les personnes handicapées chez elles!

La STM donne un service et sa responsabilité s'arrête lorsque ses usagers cessent de l'utiliser. À l'extérieur de l'autobus, les personnes handicapées sont responsables d'elles-mêmes. Nous sommes capables de décider par nous-mêmes de sortir ou non. Nous sommes capables d'user de notre gros bon sens pour faire notre trajet. Nous sommes responsables de nous-mêmes si nous restons pris dans la neige. Et nous allons nous en sortir.

De grâce, cessez d'infantiliser les personnes handicapées!

J'ai utilisé le transport en commun trois jours après ladite chute de neige, tout s'est bien passé. L'handicapée va bien. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles ce soir.