Je suis enceinte de mon deuxième enfant et, par choix, nous ignorons le sexe du bébé, tout comme lors de ma première grossesse. Il ne se passe pas une semaine sans que quelqu'un me pose LA question: Pis? Fille ou garçon? On ne me demande pas: «Lors de l'échographie, est-ce que tout se déroulait bien? Le foetus grandit bien? Son coeur bat à un rythme régulier?»

Lors de ma première échographie, à 12 semaines de grossesse, nous avons rapidement mentionné à la technicienne notre intention de ne pas connaître le sexe. Elle nous a répondu que c'était contre leurs principes de mentionner le sexe du bébé à un stade si précoce, mais qu'ils sont parfois forcés de le faire à la suite des menaces de parents.

Lors de la naissance de mon premier bébé, l'accouchement fut très difficile. Et pourtant, mon souvenir le plus marquant n'est pas l'accouchement comme la surprise de savoir que nous avions une belle petite fille en parfaite santé. Quel beau moment! J'ai adoré imaginer la famille et les amis courir dans les magasins pour acheter du rose dès l'annonce de l'arrivée d'une petite fille pour venir l'admirer quelques heures après l'accouchement!

La médecine évolue et c'est tant mieux. Mais quand elle dérape au point où son essence est détournée au profit de la curiosité et de la planification de la déco, il y a lieu de se poser des questions.

En attendant, croyez-moi, je profite pleinement de cette période de bonheur de sentir mon bébé bouger, toute rassurée de savoir qu'à l'échographie tout était normal.

UN JOUR, JE SERAI TRAVAILLEUR SOCIAL

Jean-Yves Rheault, travailleur social

À l'été 1967, je terminais avec succès ma méthode, cours classique oblige, et mes parents s'en réjouissaient. L'été, qui s'annonçait plein de promesses pour moi, a rapidement tourné au drame. Mon père est subitement mort le 12 août. L'annonce de son décès a créé toute une commotion à la maison. Ma mère était dévastée, mes soeurs pleuraient et moi je m'en voulais de m'être disputé avec lui, sans que nous ayons pu nous revoir avant sa mort.

Le retour en classe a été très pénible. J'étais distrait, je dérangeais mes collègues, je me concentrais difficilement et mes notes en souffraient. À la maison, l'ambiance était morose. Ma mère se rongeait les sangs, je la voyais pleurer chaque vendredi avant d'aller faire l'épicerie.

Puis, en octobre, elle m'a annoncé qu'un travailleur social viendrait à la maison évaluer notre situation. J'étais fâché contre elle, j'avais honte de notre situation et je ne voulais pas mettre fin à mes études.

La visite du travailleur social m'a irrité. Je trouvais ses questions intrusives et mon orgueil d'adolescent et ma peur d'être jugé ont provoqué en moi un sentiment d'indignation quant à notre condition. Cette maudite pauvreté, comme je la haïssais!

À la fin de la rencontre, l'agent de bien-être social m'a encouragé à poursuivre mes études. J'étais soulagé et heureux, car je craignais qu'il ne dise à ma mère que je devais trouver un travail pour aider ma famille.

Une fois qu'il est parti, je dis à ma mère, devant mes soeurs inquiètes, sur un ton qui n'entend pas la discussion: «Un jour, je serai travailleur social. Pas question que j'aille travailler en usine comme mon cousin.».

Après un très long détour et de nombreux échecs aux études, je suis devenu travailleur social. J'ai choisi une profession qui croit dans la dignité de la personne, dans la solidarité sociale et dans le pouvoir d'agir des gens. J'ai perdu bien des illusions au cours des années, mais je n'ai pas renoncé à mes convictions qu'un monde meilleur est possible.

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RECONNAISSONS LE TALENT ET LA FORMATION

Hélène Jodoin

Il existe plusieurs comédiens de grands talents, jeunes et moins jeunes, qui peinent à joindre les deux bouts. Ils étudient et travaillent de façon acharnée, avec passion, et ils sont prêts à jouer tous les rôles. Pourtant, qui engage-t-on trop souvent à la télévision ou au cinéma? Des chanteurs et des humoristes.

Je suis déçue, pour ne pas dire frustrée, au nom des comédiens qui voient tous ces rôles qu'ils pourraient jouer, souvent beaucoup mieux que les vedettes qui sont choisies, leur échapper.

Je comprends que, pour des raisons commerciales, on fasse appel à des vedettes. Je comprends qu'un talent naturel puisse exister et qu'une personne, même sans formation, puisse être fabuleuse dans un rôle. Mais est-ce souvent le cas? Était-ce vraiment essentiel de confier un rôle à René Angelil dans le film Omertà? Est-on vraiment obligé de choisir Kevin Parent, Stéphane Rousseau, Dan Bigras, Michel Rivard, Louis-José Houde ou Éric Salvail?

On voit très rarement ces «nouveaux acteurs» au théâtre? Peut-être ne sont-ils pas intéressés par manque de cachet (le théâtre, ce n'est pas payant), mais peut-être ne sont-ils pas intéressés tout simplement par manque de talent.

Le talent n'est pas toujours reconnu et c'est dommage.

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QUAND LE BONHEUR DÉRAPE SUR LA GLACE

Collette Arcand

Nous sommes trois couples aimant partir en randonnée en VTT. Le 11 février, nous nous retrouvons à Terrebonne, au débarcadère. Il fait beau et nous sommes heureux de nous retrouver.

Midi se pointe, le prochain arrêt sera au restaurant. Nous sommes sur les sentiers de Sainte-Scholastique, nos amis Roger et Linda dérapent sur une plaque de glace, perdent le contrôle et font une manoeuvre pour éviter notre fils et sa compagne devant eux et, en l'espace d'une seconde, le VTT vire à l'envers tenant prisonniers nos deux amis.

Nous entendons les cris de Linda, Roger est inconscient. Étant si loin, qui viendra nous secourir?

Notre fils, aidé par une poussée d'adrénaline, réussit à lui seul à remettre le VTT sur ses roues pour dégager les blessés.

Nous appelons les services d'urgence au 911 et, en quelques minutes, arrivent des personnes extraordinaires de l'équipe de Sauvetage médical. Ils prennent en charge nos amis, qui sont en état de choc, avec chaleur et professionnalisme. Ils les couvrent pour les réchauffer, car ils sont étendus sur le sol gelé.

Les ambulanciers sont en route, mais nous ne voyons pas comment l'ambulance peut accéder à la piste. Alors, nos héros nous expliquent qu'ils disposent d'un véhicule sur skis pour conduire les blessés jusqu'à l'ambulance, la carriole Snowbulance.

Les ambulanciers sont arrivés à bord du VTT de Sauvetage médical et ont prodigué les premiers soins avant le transport par ambulance. Ils ont rassuré nos amis, leur ont expliqué les manoeuvres de déplacement. Nous étions très impressionnés par ces gens aux nerfs d'acier.

Je les remercie tous de leur générosité, de leur disponibilité et de leurs excellents services, d'autant plus qu'ils sont bénévoles.

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SAUVONS NOTRE «BIBLIOTHÈQUE D'ALEXANDRIE»

Pascal Barette, Ottawa

Les pyramides couvertes de dalles blanches servaient notamment à signaler la présence du peuple égyptien aux dieux. On vient de découvrir que ses puits obliques constituaient des rampes de lancement à l'âme du pharaon pour qu'il puisse rejoindre les dieux. Elles étaient axées sur deux galaxies, dont celle d'Orion, qui passait au-dessus du pays tous les printemps, lui assurant floraison et nourriture à profusion. Nos églises racontent une histoire semblable. Le pignon et sa croix relient le ciel pour implorer ses grâces. La nef, le mot le dit, est un vaisseau inversé rappelant la mythique arche de Noé, qui a sauvé les espèces du déluge. Les ouvriers constructeurs étaient enterrés près des pyramides. Nos bâtisseurs d'églises sont toujours inhumés près de ces bijoux d'architecture. Nos églises n'appartiennent plus qu'aux seuls croyants. Elles sont une icône de notre passé à tous. Elles sont nos pyramides. Tout comme l'État égyptien protège les pyramides, les États du pays devraient faire de même pour nos églises. Sinon, notre «bibliothèque d'Alexandrie» brûlera à petit feu par notre propre incurie.

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LE POIDS DE LA NOUVEAUTÉ

Yves Deslauriers, Prévost

Il est impossible que vous ayez échappé à cette scène d'un couple assis face à face au restaurant, le nez plongé dans le journal du matin. En sera-t-il ainsi longtemps? Les gens ont presque tout au bout des doigts. On les voit sortir leur inséparable appareil pour meubler le vide en eux ou autour d'eux. L'utilisation du iPhone, du iPad, du iPod est un geste qui relève de la mécanique. Bien sûr, on peut échanger avec ces appareils. On emprunte des codes de façon à réduire l'espace du message envoyé ou reçu. Si la tendance de dire moins pour espérer en faire savoir plus, se maintient, que va devenir le discours oral ou écrit, qui exige d'être bien structuré, bien ficelé, pour une bonne compréhension? Va-t-on perdre cette habileté à communiquer autrement que par des phonèmes? Qui risque d'être le débranché de demain? Les penseurs du ministère de l'Éducation et les enseignants de français risquent d'être emportés par ce tsunami, qui crée la dépendance à la facilité, en éliminant bon nombre d'obstacles rencontrés au quotidien, en disposant d'une multitude d'informations à portée de la main. À mon âge, je me sens écrasé sous le poids de ces nouvelles technologies. Je suis inquiet. J'ai peur de me retrouver dans un cul-de-sac. Je souhaite seulement ne pas trop m'éloigner de la gare, au cas où je devrais prendre le train.

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LIBRE DE NOS CHOIX

Christian Lemay

Le débat sur les risques face aux technologies refait périodiquement surface. Moi, je vois plutôt la progression des technologies de communication comme une occasion d'accroître notre liberté. Possible, parce que même si la technologie n'aboutit pas de facto à une plus grande liberté, elle nous permet d'élargir les choix qui façonneront notre vie.

S'il est vrai que la vidéo à distance nous permet de regarder un film à la maison, nous pouvons toujours opter pour le cinéma. Et si je décide un soir de texter avec un collègue d'outre-mer, ce n'est tout de même pas parce que mon téléphone cellulaire m'interdit d'aller prendre une bière avec un ami!

Ainsi, au lieu de vous demander de fermer votre ordinateur, je vous invite à vous questionner sur la nature des relations humaines que vous désirez développer, entretenir et transmettre. Et surtout, je vous incite à être conséquent avec vos choix. Mais que vous optiez pour la chaleur des contacts directs avec vos proches, ou l'efficacité des échanges électroniques avec une communauté virtuelle, sachez que nous avons la chance de vivre à une époque où les choix qui s'offrent à vous n'auront jamais été aussi nombreux. Or, force est d'admettre que cette multiplicité de choix est en bonne partie grâce au progrès technique.