Quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre qu'un mannequin canadien connu, Coco Rocha, ne serait pas de la Semaine de la mode à New York parce qu'elle n'habille pas la grandeur des échantillons standard de 2 et 4 ans.

Voilà d'où vient le problème! Ceux qui décident de confectionner des échantillons si petits qu'ils n'habillent qu'une infime partie de la population. Explication simpliste, mais ô combien réelle.

 

Mère d'une jeune fille de 19 ans qui est mannequin depuis bientôt trois ans, nous nous sommes toujours entendues sur le fait que ça ne devait pas devenir une gestion alimentaire quotidienne, mais bien le plaisir d'évoluer dans un milieu artistique international. Eh oui! Nous nous sommes fait prendre au piège. Je dis «nous» parce que tout en soutenant ma fille qui désire explorer ce domaine glamour, je me disais que je serais à l'affût des pressions suggestives et insidieuses sur le poids.

Subtilement, par un premier contrat de deux mois au Japon et un régime sévère d'un mois afin d'atteindre un 90 cm de hanche exigé, nous avons succombé à l'excitation et oublié le piège tendu. Retour à Montréal, régime terminé, on reprend la vie normale.

Nouveau casting pour un fabricant de jeans: horreur, le 4 ans est trop petit... ça y est, ma fille se pense grosse. Combien de personnes dans votre entourage habillent 2 et 4 ans? (ici, je ne parle pas d'ados de 12 à 16 ans). À quand des échantillons 6 ans et même 8 ans qui doivent se rapprocher des moyennes? À quand un défilé international habillant les grandeurs jusqu'à 12 ans? Ne serait-ce pas un défi pour nos designers de confectionner des modèles qui font vraiment bien à toutes les silhouettes?

J'entends déjà des gens de l'industrie dire qu'ils tentent de changer ces stéréotypes, mais je ne vois aucune volonté réelle ni cohérence dans les propos des divers intervenants. Ce ne sont que des paroles en l'air. Mais nous avons tous une responsabilité.Les femmes qui passent d'un régime à l'autre. Les revues qui ne cessent de promouvoir ces images de perfection. Les designers qui ignorent les vrais corps. Les agences qui ne font que répondre aux critères. Et toutes ces vedettes qui contribuent à faire semblant d'habiller du 2, alors qu'en réalité elles font du 6.

Où sont tous ces beaux défendeurs du poids santé et de la saine alimentation? Où sont les grands magasins de ce monde qui font leur mea-culpa d'avoir publicisé un catalogue avec des jeunes filles trop maigres? La frontière entre l'image, la perception et l'anorexie est imperceptible, mais pourtant bien présente.

Devrons-nous, en tant que société, établir des balises législatives concernant la grosseur des mannequins pour protéger nos jeunes filles comme nous l'avons fait pour les publicités sollicitant les jeunes enfants?

Je ne suis qu'une simple maman. À 19 ans, ma fille prend de plus en plus ses décisions par elle-même. Malgré le déchirement que je perçois chez elle entre le désir de continuer à travailler comme mannequin et les exigences actuelles du milieu, elle fait preuve d'une très grande lucidité. Notre bonne relation mère-fille me permet d'être présente durant cette traversée du désert qu'est l'adolescence, mais combien de jeunes filles tomberont dans le piège que je croyais, en tant qu'adulte avisée, facilement évitable?

Chantal Crête

Granby